Dans les sociétés anonymes (SA) à directoire, les articles L 225-86 et L 225-88 du Code de commerce subordonnent la conclusion des conventions réglementées à une autorisation préalable du conseil de surveillance.
Le président du directoire d’une SA est reconnu coupable par une cour d’appel d’abus de biens sociaux notamment pour avoir, à des fins personnelles, en violation des articles précités, organisé son licenciement dans le cadre d’une intégration à un plan de sauvegarde pour l’emploi et s’être octroyé une avance sur son indemnité de départ, sans que ces conventions réglementées fassent l’objet d’un accord préalable du conseil de surveillance de la société et en occultant les conséquences financières qu’une telle intégration entraînait pour celle-ci.
A l’appui de son pourvoi, le dirigeant fait valoir qu’à l’époque des faits, la société était une société par actions simplifiée (SAS), à laquelle les articles précités, spécifiques à la SA, ne sont pas applicables.
Argument rejeté par la Cour de cassation :
- orsque la société était une SAS, ses statuts prévoyaient qu’elle était régie par les règles applicables aux SA. L’intégration du dirigeant dans le plan de sauvegarde pour l’emploi et l’avance qu’il avait perçue sur son indemnité de départ correspondaient à des conventions réglementées qui devaient donc être soumises à approbation préalable, ce que l’intéressé s’était délibérément abstenu de faire ;
- l’article L 244-1 du Code de commerce rend applicable aux dirigeants de SAS les dispositions pénales sanctionnant l’abus de biens sociaux dans les SA.
A noter : 1. Le régime juridique de la SAS est fixé par les articles L 227-1 à L 227-20 et L 244-1 à L 244-4 du Code de commerce.
L'article L 227-1 dispose que, dans la mesure où elles sont compatibles avec les textes propres à la SAS, les règles des SA lui sont applicables, à l'exception notamment de celles visant la direction et l'administration de la société et donc des règles régissant les conventions réglementées.
Les règles relatives aux conventions réglementées dans les SAS sont fixées par les articles L 227-10 et L 227-11 du Code de commerce : la procédure de contrôle est inspirée de celle applicable aux SA (établissement d’un rapport sur les conventions soumis aux associés a posteriori) mais, contrairement à ces dernières, il n'existe pas d'autorisation préalable analogue à celle donnée par le conseil d'administration ou de surveillance.
La grande liberté de rédaction des statuts dont disposent les associés de SAS leur permet de s’inspirer du régime de la SA, voire d’y renvoyer. En l’espèce, l’arrêt relève, sans plus de précisions, que les statuts de la SAS prévoyaient qu’elle était « régie par les règles applicables aux SA » et en déduit que la procédure de contrôle des conventions réglementées des SA, plus stricte, devait être respectée. Sur ce point, l’arrêt illustre une fois encore les risques d’une trop forte perméabilité des statuts de SAS en faveur des règles de la SA.
2. Les conditions sous lesquelles l’octroi d’avantages à un dirigeant de SA au titre de la cessation de ses fonctions est ou non soumis à la procédure des conventions réglementées ne sont pas clairement fixées par la chambre commerciale de la Cour de cassation, de sorte que nous recommandons, dans ce cas, de respecter la procédure (voir Mémento Sociétés commerciales n° 52691). La décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation conforte cette position prudente.
3. Peut-on déduire de cette décision que le non-respect de la procédure des conventions réglementées caractérise à lui seul un abus de biens sociaux ? Nous ne le pensons pas : la chambre criminelle a simplement jugé qu’un abus de biens sociaux peut résulter du non-respect de la procédure des conventions réglementées. En l’espèce, où les conventions conféraient au dirigeant des avantages importants (plus de 6 millions d’euros au total), les éléments constitutifs de l’abus de biens sociaux (usage des biens de la société de mauvaise foi, contraire à l’intérêt de la celle-ci et à des fins personnelles) étaient caractérisés. En d’autres termes, la chambre criminelle n’a pas ajouté aux sanctions civiles du défaut d’autorisation des conventions réglementées (nullité de la convention et responsabilité civile du dirigeant : C. com. art. L 225-42 et L 225-90) une sanction pénale d’abus de biens sociaux « de plein droit ».
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 60432