Un homme se porte caution solidaire pour le remboursement de cinq prêts bancaires consentis à différentes sociétés. Après son décès, la banque assigne sa veuve et leur fils, seuls héritiers, en paiement des sommes restant dues en vertu des prêts, ce qui donne lieu à cinq procédures judiciaires. Les héritiers, qui ont accepté la succession à concurrence de l’actif net, opposent à la banque la prescription de ses créances, qui n’ont pas été déclarées dans le délai légal. L'article 792, al. 2 du Code civil prévoit en effet que « faute de déclaration dans un délai de 15 mois à compter de la publicité prévue à l’article 788 [publication de la déclaration d’acceptation à concurrence de l’actif net au Bodacc], les créances non assorties de sûretés sur les biens de la succession sont éteintes à l’égard de celle-ci. Cette disposition bénéficie également aux cautions et coobligés, ainsi qu’aux personnes ayant consenti une garantie autonome portant sur la créance ainsi éteinte. »
Estimant que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété garanti par la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, la banque pose une question prioritaire de constitutionnalité dans chaque affaire, que la Cour de cassation accepte de transmettre (Cass. 1e civ. QPC 6-7-2016 nos 16-40.217, 16-40.218, 16-40.219, 16-40.220 et 16-40.221).
Joignant les cinq QPC pour statuer par une seule décision, le Conseil constitutionnel déclare le second alinéa de l’article 792 du Code civil conforme à la Constitution.
Les Sages relèvent en effet qu’en adoptant ce texte, le législateur a cherché, en assurant l’efficacité de l’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net, à faciliter la transmission des patrimoines. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.
Par ailleurs, plusieurs garanties sont offertes au créancier :
- il dispose d’un délai de 15 mois pour déclarer sa créance ; ce délai court à compter de la publicité nationale de la déclaration d’acceptation ;
- les créances assorties d’une sûreté réelle échappent à l’extinction ;
- l’héritier qui a omis, sciemment et de mauvaise foi, de signaler l’existence d’une créance au passif de la succession est déchu de l’acceptation à concurrence de l’actif net (C. civ. art. 800).
Compte tenu de l’objectif poursuivi et des garanties prévues, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
Emmanuel de LOTH
Pour en savoir plus sur la déclaration des créances par les créanciers d'une succession acceptée à concurrence de l'actif net : voir Mémento Patrimoine n° 23116