Un cabinet de consultants, spécialisé dans le domaine de la direction générale d’entreprise, adresse à une société de courtiers d’assurances une « proposition d’accompagnement de la présidence du groupe » que celle-ci accepte. L’offre, tout en indiquant qu'il est difficile de prévoir d'emblée une durée de mission, mentionne que le budget proposé couvre une période de six mois, de janvier à juin 2014. Un accord de confidentialité est ensuite signé entre les parties, avec effet au 1er octobre 2013. Mais la société de courtage fait connaître au cabinet de consultants, le 21 novembre 2013, son intention de renoncer à ce projet de collaboration. Celui-ci la poursuit alors en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles, estimant que, s’agissant d’un contrat à durée déterminée, la société ne pouvait pas y mettre fin de manière anticipée.
Une cour d’appel retient l’existence d’un contrat à durée déterminée et condamne la société de courtage à payer au cabinet de consultants 40 000 € de dommages-intérêts pour rupture abusive : si la durée du contrat n'apparaissait pas comme un élément essentiel dans la proposition d'assistance faite par le cabinet de consultants, la durée de sa mission dépendait du résultat de cette assistance, de sorte que ce contrat était à durée déterminée, compte tenu de sa nature, mais avec un terme incertain.
L’arrêt est censuré par la Cour de cassation. L’événement dont on n’est pas certain qu’il se réalisera un jour, telle l’obtention du résultat d’une mission d’assistance, ne peut pas être constitutif d’un terme. Par suite, la convention d’assistance était à durée indéterminée et pouvait être librement résiliée par la société de courtage.
A noter : L'obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu'à la survenance d'un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine (C. civ. art. 1305 nouveau, consacrant la jurisprudence antérieure à l'ordonnance du 10-2-2016).
Par suite, l'événement incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation constitue une condition et non un terme (Cass. 1e civ. 13-4-1999 n° 97-11.156 F-D : RJDA 7/99 n° 759 ; Cass. com. 20-3-2007 n° 06-14.259 FS-PBIR : RJF 7/07 n° 859).
L’intérêt de la distinction réside notamment dans la qualification de la durée du contrat : à durée déterminée s’il s’agit d’un terme et à durée indéterminée s’il s’agit d’une condition, les règles de rupture étant différentes.
Au cas particulier, l’atteinte des résultats escomptés de la mission d’assistance ne pouvait pas constituer le terme du contrat dès lors qu’elle était incertaine.
En pratique : Faut-il en déduire que toutes les conventions d’assistance sont à durée indéterminée ? Non, mais les cabinets de conseils ou de consultants qui veulent conclure des missions à durée déterminée, non résiliables librement par leurs clients, doivent faire attention à la rédaction de la clause relative à la durée du contrat et ne pas la faire dépendre du résultat de la mission.
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 13403 et 16003