En cas de non-renouvellement d’un bail commercial, le bailleur doit, sauf exceptions, verser au locataire une indemnité d’éviction comprenant notamment la valeur marchande du fonds de commerce, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur (C. com. art. L 145-14).
Le propriétaire d’un local commercial ayant délivré un congé avec offre d’indemnité d’éviction à son locataire, celui-ci demande en justice la fixation de l’indemnité. Il entend y faire inclure ses frais de réinstallation et le montant de la perte de son stock.
Une cour d’appel rejette ces demandes. Elle retient d’abord que le locataire ne démontre pas quels frais de réinstallation il pourrait avoir à exposer. Ensuite, elle rejette la demande d’indemnisation au titre de la perte de stock, jugeant que la remise des clefs est intervenue près de quatre ans après la date d’effet du congé et que le locataire aurait dès lors eu la possibilité de vendre tout ou partie de ce stock.
La Cour de cassation censure cette décision sur ses deux points :
- Il appartient au bailleur de prouver que le locataire d'un fonds non transférable ne se réinstallera pas dans un autre fonds ; à défaut, il est tenu de l'indemniser des frais de réinstallation.
- Le moment de la remise des clefs par le locataire n’est pas de nature à exclure le lien de causalité entre le non-renouvellement du bail et la perte d’au moins une partie du stock.
A noter : l’indemnité d’éviction légale due au locataire d’un bail commercial non renouvelé a pour but de compenser le préjudice causé par le défaut de renouvellement (C. com. L 145-14, al. 1). Cette indemnité comprend des frais accessoires qui sont tous les frais que le locataire peut être conduit à engager du fait de son éviction.
Les frais accessoires ne sont pas dus par le bailleur s’il peut prouver qu’ils ne sont pas justifiés (Cass. 3e civ. 2-12-1998 n° 97-11.791 PB : RJDA 2/99 n° 157 : Cass. 3e civ. 2-7-2013 n° 11-28.899 F-D).
Les frais de réinstallation exposés par le locataire évincés sont, par principe, compris dans ces frais accessoires (C. com. art. L 145-14, al. 2). C’est donc au bailleur de prouver l’absence de préjudice du locataire à ce titre sans que ce dernier doive établir l’existence d’un projet précis de réinstallation pour bénéficier d’une indemnisation, ni même produire de factures au soutien de sa demande.
Le stock est en principe valorisé avec le fonds de commerce qui est une universalité comprenant notamment immobilisations et stocks. Toutefois, les indemnités accessoires du non-renouvellement peuvent, éventuellement, comprendre une indemnité au titre des pertes sur stock dès lors que la cessation d'activité ou le déplacement de celle-ci oblige le commerçant à liquider ses stocks dans des conditions préjudiciables. Il appartient au locataire qui estime devoir bénéficier d'une telle indemnité de prouver qu'il a subi un préjudice spécifique résultant de ces pertes (Cass. 3e civ. 22-9-2016 n° 15-18.983 F-D : RJDA 12/16 n° 848).
Vanessa VELIN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Baux commerciaux n° 46050