L’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 réforme en profondeur les règles d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse. Ces mesures sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de l’ordonnance (Ord. 2017- 1387 du 22-9-2017 art. 40, I), c’est-à-dire depuis le 24 septembre 2017.
Le juge doit appliquer le barème
Le barème s’impose au juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, en cas de litige, si le salarié ou l’employeur refuse la réintégration dans l’entreprise, proposée par le conseil de prud’hommes lorsqu’elle est possible, le juge doit accorder au salarié une indemnité dont le montant, variable, dépend de son ancienneté et s’exprime en mois de salaire brut (C. trav. art. L 1235-3, al. 1 et 2).
A noter : le juge prud’homal conserve le pouvoir d’apprécier le préjudice subi par le salarié qui est abusivement licencié par l’employeur. Il peut notamment tenir compte, pour fixer le montant de l’indemnité, de l’âge du salarié au moment de la rupture, de sa difficulté à retrouver un emploi, de la perte d’avantages financiers, etc. Mais cette liberté d’appréciation est désormais encadrée par le barème.
Maxima identiques pour toutes les entreprises,minima inférieurs dans les TPE
Si le salarié travaille dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés, l’indemnité est comprise entre un minimum et un maximum. Si le licenciement intervient dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, le minimum est moins élevé pour les 10 premières années d’ancienneté.
Le tableau ci-dessous indique les montants minimaux et maximaux prévus par le barème obligatoire (C. trav. art. L 1235-3, al. 3) :
Ancienneté du salarié dans l'entreprise (en années complètes) | Indemnité minimale (en mois de salaire brut) | Indemnité maximale (en mois de salaire brut) |
0 | Sans objet | 1 |
1 | 1 | 2 |
2 | 3 | 3,5 |
3 | 3 | 4 |
4 | 3 | 5 |
5 | 3 | 6 |
6 | 3 | 7 |
7 | 3 | 8 |
8 | 3 | 8 |
9 | 3 | 9 |
10 | 3 | 10 |
11 | 3 | 10,5 |
12 | 3 | 11 |
13 | 3 | 11,5 |
14 | 3 | 12 |
15 | 3 | 13 |
16 | 3 | 13,5 |
17 | 3 | 14 |
18 | 3 | 14,5 |
19 | 3 | 15 |
20 | 3 | 15,5 |
21 | 3 | 16 |
22 | 3 | 16,5 |
23 | 3 | 17 |
24 | 3 | 17,5 |
25 | 3 | 18 |
26 | 3 | 18,5 |
27 | 3 | 19 |
28 | 3 | 19,5 |
29 | 3 | 20 |
30 et au-delà | 3 | 20 |
A noter : l’article L 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance, prévoyait, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité au moins égale aux salaires des 6 derniers mois, au bénéfice des salariés ayant au moins 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus et ne fixait pas de montant maximal. Le barème obligatoire est donc moins favorable puisqu’il ne prévoit qu’un minimum de 3 mois de salaire à partir de 2 années d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés.
Par exemple, un salarié comptant 5 ans d’ancienneté et dont le licenciement était jugé sans cause réelle et sérieuse pouvait auparavant prétendre à une indemnisation minimale de 6 mois de salaire. Désormais, l’indemnité à laquelle il peut prétendre est comprise entre 3 et 6 mois de salaire.
Le tableau ci-dessous indique l’indemnité minimale prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse survenu dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, pour les 10 premières années d’ancienneté (C. trav. art. L 1235-3, al. 4 et 5).
Ancienneté du salarié dans l'entreprise (en années complètes) | Indemnité minimale (en mois de salaire brut) |
0 | Sans objet |
1 | 0,5 |
2 | 0,5 |
3 | 1 |
4 | 1 |
5 | 1,5 |
6 | 1,5 |
7 | 2 |
8 | 2 |
9 | 2,5 |
10 | 2,5 |
A noter : l’article L 1235-5 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance, s’appliquant au licenciement d’un salarié ayant moins de 2 années d’ancienneté et/ou survenu dans une entreprise de moins de 11 salariés, réparait le licenciement abusif par une indemnité correspondant au préjudice subi. Il n’existait donc ni montant minimal d’indemnisation ni montant maximal.
La condamnation de l’employeur à rembourser les allocations de chômage, dans la limite de 6 mois d’indemnisation, est toujours prévue pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse et dans certains cas de licenciement nul (C. trav. art. L 1235-4). Cette sanction n’est pas applicable pour les licenciements concernant les salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté et les entreprises de moins de 11 salariés, comme c’était déjà le cas (C. trav. art. L 1235-5).
Calcul de l'indemnité
Concernant la base de calcul de l’indemnité, l’article L 1235-3 du Code du travail, dans son ancienne rédaction, faisait référence aux « salaires des 6 derniers mois ». Le barème obligatoire, instauré par l’ordonnance, est exprimé en « mois de salaire brut », sans préciser la période à prendre en considération. On peut penser que le juge retiendra une assiette correspondant à une moyenne calculée sur les salaires des derniers mois, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Le juge peut tenir compte, dans la fixation du montant de l’indemnité, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture (C. trav. art. L 1235-3, al. 6). Il s’agit d’une possibilité pour le juge et non d’une obligation.
A noter : l’introduction de cette précision dans le Code du travail est étonnante car l’indemnité de licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’ont pas le même objet. Il s’agit sûrement d’inciter le juge à prendre en compte le montant des indemnités contractuelles de licenciement, le cas échéant, négociées au moment de la conclusion du contrat de travail. Mais le juge restera libre de fixer le montant des dommages-intérêts, dans la limite des montants prévus par le barème.
Cumul d'indemnités
L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse reste cumulable, dans la limite des montants maximaux fixés par le barème obligatoire, avec les indemnités suivantes, prévues en cas de violation des règles applicables aux licenciements pour motif économique (C. trav. art. L 1235-3, al. 7) :
- indemnité en fonction du préjudice subi en cas de non-respect par l’employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d’information de l’autorité administrative (C. trav. art. L 1235-12) ;
- indemnité minimale d’un mois de salaire en cas de non-respect de la priorité de réembauche (C. trav. art. L 1235-13) ;
- indemnité minimale égale à un mois de salaire en l’absence de représentants du personnel alors que l’entreprise est assujettie à cette obligation et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi (C. trav. art. L 1235-15).
Exemple : Un salarié ayant 3 ans d’ancienneté dans une entreprise de 11 salariés est licencié sans cause réelle et sérieuse et en violation des règles sur la priorité de réembauche. Compte tenu du barème applicable, il aura droit à 5 mois de salaire, au maximum, pour l’indemnisation des 2 préjudices. En application des règles antérieures à l’ordonnance, il aurait obtenu au minimum 8 mois de salaire : 6 mois pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse puisqu’il a plus de 2 ans d’ancienneté et 2 mois au titre de la violation de la priorité de réembauche.
L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devrait également pouvoir se cumuler avec les dommages et intérêts que peut attribuer le juge au salarié qui a été licencié dans des conditions brutales ou vexatoires. La Cour de cassation reconnaît en effet, de longue date, ce préjudice qui est distinct de celui causé par le licenciement, et qui peut justifier l’attribution de dommages et intérêts en plus de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 27-11-2001 no 99-45.163 FS-P ; Cass. soc. 21-11-2012 no 11-23.699 F-D).
Frédéric SATGE
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