1° Une société est mise en redressement judiciaire, sans désignation d'un administrateur judiciaire. La procédure est ensuite convertie en liquidation judiciaire. Le liquidateur agit contre le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d'actif, lui reprochant notamment d'avoir poursuivi l'activité déficitaire de la société après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire.
La Cour de cassation rejette cette demande (Cass. com. 8-3-2023 n° 21-24.650 F-B). En effet, seules les fautes de gestion antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte pour justifier la condamnation en comblement de passif. Lorsque la liquidation judiciaire d'un débiteur est prononcée au cours ou à l'issue de la période d'observation d'un redressement judiciaire, le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire n'ouvre pas une nouvelle procédure. Par conséquent, aucune sanction ne peut être prononcée en raison de fautes commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire.
A noter :
Le dirigeant d'une société en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de cette société s'il a commis une ou plusieurs fautes de gestion y ayant contribué (C. com. art. L 651-2).
La responsabilité des dirigeants ne peut concerner que leur gestion antérieure au jugement prononçant ou ouvrant la liquidation judiciaire (Cass. com. 29-11-2016 n° 15-10.466 F-D : RJDA 2/17 n° 104 ; CA Paris 8-7-2022 n° 20/04670 : RJDA 11/22 n° 651). Elle peut être engagée à raison des fautes de gestion commises entre l'ouverture du redressement et celle de la liquidation judiciaire qui lui a succédé, lorsque cette dernière a été ouverte après résolution du plan de redressement (Cass. com. 22-1-2020 n° 18-17.030 F-PB : RJDA 4/20 n° 231). En effet, dans cette hypothèse et contrairement à la situation de la décision commentée, la liquidation constitue alors une nouvelle procédure.
C'est la première fois à notre connaissance que la Haute Juridiction se prononce sur la question de savoir s'il convient, pour l'application de l'article L 651-2, de prendre ou non en compte les fautes commises pendant la période d'observation d'un redressement lorsque celui-ci est par la suite converti en liquidation judiciaire.
2° Le liquidateur reproche également au dirigeant de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans le délai légal et d'avoir poursuivi abusivement l'activité déficitaire de la société durant les deux années qui ont précédé l'ouverture de la procédure collective.
Jugé que ces manquements ne justifiaient pas une condamnation du dirigeant à combler le passif compte tenu des circonstances suivantes : si la société avait rencontré des difficultés de trésorerie l'année ayant précédé celle de l'ouverture du redressement judiciaire, au point de compromettre le paiement de certaines charges, le dirigeant, sa mère et un associé de la société avaient apporté des fonds personnels pour y faire face et la dette de la société à l'égard de l'Urssaf avait été soldée ; l'attitude du dirigeant témoignait d'une volonté intangible de sauver l'entreprise, motivée par une note du ministère de l'écologie prévoyant un simple décalage dans le temps du versement des subventions auxquelles pouvait prétendre la société.
A noter :
Le comblement de passif est une sanction facultative. Le tribunal dispose d'une large faculté d'appréciation et peut écarter toute condamnation même si le dirigeant a commis une faute de gestion (Cass. com. 19-2-2002 n° 99-15.359 FS-P : RJDA 8-9/02 n° 919 ; CA Paris 16-10-2008 n° 07/18718 : RJDA 3/09 n° 256).
Les juges peuvent prendre en considération la gravité des fautes commises, le montant de l'insuffisance d'actif ainsi que la situation personnelle du dirigeant et ses facultés contributives (CA Versailles 27-9-2001 n° 01/1834 : RJDA 2/02 n° 184 ; CA Paris 9-5-2006 n° 05/19258 : RJDA 10/06 n° 1061). Peuvent également être pris en compte les efforts déployés par le dirigeant pour tenter de sauver son entreprise (CA Paris 16-9-2021 n° 20/15132 : RJDA 5/22 n° 296, où cette circonstance a conduit les juges à atténuer la sanction prononcée).
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