La convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Convention Syntec) du 15 décembre 1987 est à l’origine d’une abondante jurisprudence. Dans la présente affaire, c’est la prime de vacances versée aux salariés qui était en cause et plus précisément son assiette de calcul.
Une prime conventionnelle de vacances
L’article 31, alinéa 1 de la convention Syntec prévoyait, dans sa version applicable à l’époque des faits, que l’ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.
Un CSE d’établissement et plusieurs syndicats avaient saisi la justice afin de faire constater la violation par l’employeur de cet article. Ils lui reprochaient d’avoir exclu de la base de calcul de la prime les indemnités de congés payés versées aux salariés ayant quitté l’entreprise en cours d’exercice et réclamaient donc un nouveau calcul de la prime les intégrant.
Pour les débouter de leurs demandes, les juges du fond avaient estimé que l'employeur avait pu exclure de l'assiette de la prime conventionnelle de vacances les indemnités de congés payés versées aux salariés ayant quitté la société pendant la période de référence. Selon eux, seuls les salariés présents dans l'entreprise au 31 mai d'une année donnée pouvaient prétendre au bénéfice de la prime de vacances. Ils soulignaient en outre que la prime de vacances devait être calculée sur l'ensemble de la période annuelle, était payable annuellement et n’avait à être payée qu'aux salariés présents dans l'entreprise au 31 mai.
Quelle méthode retenir pour interpréter la disposition litigieuse ?
La chambre sociale de la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel et livre son interprétation de l’article 31, alinéa 1 de la Convention Syntec.
A l’appui de sa motivation, elle rappelle tout d’abord les règles d’interprétation des dispositions conventionnelles que les juges doivent suivre.
Ainsi, une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord, en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte (Cass. soc. 25-3-2020 n° 18-12.467 FS-PB : RJS 6/20 n° 609 ; Cass. soc. 8-6-2022 n° 20-20.100 FS-B).
Toutes les indemnités de congés payés entrent dans l’assiette de calcul de la prime de vacances
Appliquant cette méthode à la lettre, la Cour considère qu’il résulte de la rédaction de l’article 31, alinéa 1 de la convention collective que la prime de vacances doit être calculée sur l'ensemble des indemnités de congés payés versées aux salariés de l'entreprise durant la période de référence, peu important qu'ils aient quitté l'entreprise en cours d'exercice.
Elle approuve ainsi le raisonnement du CSE d’établissement et des syndicats, lesquels arguaient que la prime de vacances étant calculée sur la masse globale des indemnités de congés payés réellement versée et constatée au 31 mai, celle-ci inclut, en l’absence de dispositions contraires, les indemnités de congés payés versées aux salariés ayant quitté l’entreprise en cours d’exercice.
S'agissant en revanche des indemnités compensatrices de congés payés, la chambre sociale de la Cour de cassation a précédemment jugé qu'elles ne devaient pas être intégrées dans la base de calcul de cette prime de vacances (Cass. soc. 27-1-2016 n° 13-26.761 F-D).
A noter :
La convention collective Syntec a été refondue en juillet 2021 (avenant 46 du 16-7-2021 étendu par arrêté du 5-4-2023 : JO 28) et est entrée en vigueur le 1er mai 2023 pour toutes les entreprises de la branche. La prime de vacances figure désormais à l’article 7.3 de la nouvelle convention, dont la rédaction est proche de l’ancien article 31, alinéa 1 : l’employeur réserve chaque année l’équivalent d’au moins 10% de la masse globale des indemnités de congés payés acquis prévus par la convention collective, au paiement d’une prime de vacances à tous les salariés de l’entreprise. On peut donc supposer que la solution serait la même sous l’empire du nouvel article.
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