Les décisions prises par l’assemblée générale extraordinaire d’une SAS de réduire le capital à zéro puis de l’augmenter ont été jugées frauduleuses et annulées car il a été déduit des éléments suivants qu’elles avaient pour objectif d’exclure l’associé minoritaire – qui n’avait pas souscrit à l’augmentation de capital – et non de préserver un intérêt social :
- l’associé majoritaire avait décidé la réduction du capital à zéro sur la base de documents comptables de l’exercice précédent constatant une perte, alors qu’il savait que les résultats de l’année en cours seraient bien meilleurs ; le résultat inscrit au bilan seulement trois mois après l’opération aurait permis de reconstituer les capitaux propres sans réduction de capital ; l’associé majoritaire avait acquis, pour un prix égal à treize fois leur valeur nominale, les titres de deux autres associés quelques semaines avant l’opération ; l’augmentation de capital prévoyait une prime d’émission égale à trois fois la valeur nominale des nouveaux titres ; l’opération n’était donc pas nécessaire à la survie de la société, qui avait une valeur réelle ;
- le délai imposé à l’associé minoritaire pour souscrire à l’augmentation de capital était anormalement bref (une semaine seulement) ;
- l’opération avait mis fin de manière inattendue à des discussions en cours depuis plusieurs semaines en vue de l’achat des titres de l’associé minoritaire par l’associé majoritaire et alors que le minoritaire avait accepté une première offre d’achat pour 230 000 € assortie d’une commission de 184 000 €.
A noter : La réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital (coup d’accordéon) est valable, bien qu’elle puisse aboutir à l’éviction de certains associés, si elle est justifiée par la survie de la société (Cass. com. 17-5-1994 n° 91-21.364 P : RJDA 8-9/94 n° 934 ; Cass. com. 10-10-2000 n° 98-10.236 F-D : RJDA 1/01 n° 41 ; Cass. com. 1-7-2008 n° 07-20.643 F-PB : RJDA 11/08 n° 1137).
Cette opération, qui permet d’apurer les pertes sociales, est essentiellement utilisée dans les SARL et les sociétés par actions pour reconstituer les capitaux propres lorsque, du fait de pertes, ceux-ci deviennent inférieurs à la moitié du capital social. Mais les associés peuvent également décider un coup d’accordéon en dehors de cette situation (CA Versailles 20-5-1999 n° 97-4547: RJDA 2/00 n° 166).
La réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital peut toutefois être annulée si elle est entachée de fraude aux droits des associés minoritaires ; tel est le cas d’un coup d’accordéon décidé durant l’été alors que nombre d’associés étaient indisponibles, que la survie de la société n’était pas en jeu et que l’objectif réel de l’opération était de permettre à l’associé majoritaire de prendre l’entier contrôle de la société (Cass. com. 11-1-2017 n° 14-27.052 F-D : RJDA 3/17 n° 181). De même, est frauduleuse l'augmentation de capital visant à reconstituer les capitaux propres de la société lorsqu’elle est décidée de manière précipitée et qu’elle est assortie d’une prime d’émission non justifiée par la situation de la société et de conditions mettant les associés minoritaires dans l'impossibilité d'y souscrire, telles qu’un bref délai de souscription (Cass. com. 16-4-2013 n° 09-10.583 F-D : RJDA 7/13 n° 641). L’arrêt commenté se situe dans la lignée de cette jurisprudence.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Société commerciales n° 52162