Après la mise en liquidation judiciaire simplifiée d’une société, le liquidateur judiciaire demande le report de la date de cessation des paiements de la société à une date antérieure de sept mois à celle de l’ouverture de la procédure. Le dirigeant de la société s’y oppose, faisant valoir que le liquidateur judiciaire n’a pas procédé à la vérification des créances qui, limitée dans le cadre d’une liquidation simplifiée, n’en demeure pas moins obligatoire.
Argument rejeté. La recevabilité de l'action en report de la date de cessation des paiements n'est pas subordonnée à la vérification préalable des créances.
A noter : 1. Précision inédite à notre connaissance. Rendue à propos d’une liquidation judiciaire simplifiée, la solution vaut, par sa formulation générale, pour le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire de droit commun.
Pourquoi faudrait-il attendre que le passif soit vérifié pour demander le report de la date de cessation des paiements ?
Certes, sous l’empire de la réglementation antérieure à la réforme issue de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, il existait un lien entre la demande de report et la vérification des créances : le délai pour demander le report courrait à compter du dépôt au greffe du tribunal de l’état des créances du débiteur (C. com. ex-art. L 621-7), document établi à l’issue de la procédure de vérification des créances. En l’absence de dépôt de cet état, le délai pour agir ne courrait pas (Cass. com. 13-4-1999 n° 97-12.087 P : RJDA 6/99 n° 691).
Mais, que ce soit avant ou après la réforme (le délai pour agir court désormais à compter du jugement ouvrant la procédure ; C. com. art. L 631-8, al. 4), la vérification du passif n’est pas une condition de recevabilité de la demande de report de la date de cessation des paiements. Il en résulte que la notion de passif vérifié ne se confond pas avec celle de passif exigible, cette dernière notion constituant l'un des éléments de la cessation des paiements (impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible ; C. com. art. L 631-1, al. 1 et L 640-1, al. 1). Le passif exigible est constitué par les dettes qui n'ont pas donné lieu à un moratoire de la part du créancier (art. précités), peu important que le paiement n'en ait pas été effectivement exigé (Cass. com. 15-2-2011 n° 10-13.625 : RJDA 5/11 n° 436). Les dettes qui font l'objet d'une contestation par le débiteur ne sont toutefois pas prises en compte (notamment, Cass. com. 5-5-2015 n° 14-11.381 F-D : RJDA 8-9/15 n° 587).
Au cas présent, la cour d'appel (CA Lyon 15-12-2016 n° 15/07010) avait déduit des déclarations de créances reçues par le liquidateur judiciaire qu’une partie du passif exigible était née avant la date de cessation des paiements fixée par le tribunal au 3 avril 2014. Le dirigeant n’apportait aucune contestation sérieuse sur ces créances. Au 1er septembre 2013, date à laquelle la cour d’appel a reporté la date de cessation des paiements, la société dont le seul actif disponible était le solde de son compte bancaire à hauteur d’environ 5 000 € était dans l’impossibilité de faire face à son passif non contesté, estimé à plus de 50 000 €. Par ailleurs, comme l'a relevé ici la Cour de cassation, la société débitrice ne fournissait aucun document attestant de la réalité des autorisations de découvert en compte qu’elle prétendait avoir obtenu de la part de deux banques.
2. La détermination de la date de cessation des paiements constitue un enjeu important. S'il y a report de la date, le champ des actes du débiteur qui peuvent être annulés pour avoir été conclus entre cette date et l’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire (période dite « suspecte » ; C. com. art. L 632-1 et L 632-2) s'en trouve élargi. En outre, le dirigeant peut être poursuivi en comblement du passif s’il apparaît qu'il n’a pas déclaré l’état de cessation des paiements dans les 45 jours de sa survenance ; le retard dans cette déclaration est en effet apprécié en fonction de la date de cessation des paiements fixée par le jugement ouvrant la procédure collective ou par la décision de report (en dernier lieu, Cass. com. 4-7-2018 n° 14-20.117 F-D : RJDA 11/18 n° 857).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 91051