Constatant des désordres à l’achèvement des travaux de construction de sa maison, le maître de l’ouvrage demande à l’entrepreneur d’y remédier. Le 6 décembre 2010, il obtient la désignation en référé d’un expert judiciaire. Le 13 janvier 2014, il assigne au fond l’entrepreneur afin de voir prononcée la réception judiciaire de l’ouvrage et sa condamnation à l’indemniser. L’entrepreneur appelle en garantie le bureau d’études.
La cour d’appel de Papeete rejette la demande de garantie formée par l’entrepreneur et déclare recevable l’action en réparation du maître de l’ouvrage.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Concernant la responsabilité de l’entrepreneur, la Cour retient que le délai de forclusion d’un an prévu par l’article 1792-6, alinéa 2 du Code civil pour exercer l’action en garantie de parfait achèvement pour des désordres réservés à la réception n’est susceptible que d’interruption. En l’espèce, le délai ayant été interrompu par une instance en référé prescrivant une expertise, il a recommencé à courir à compter de la désignation de l’expert. Dès lors, l’instance au fond, engagée près de 4 ans plus tard était tardive et donc irrecevable.
La Cour de cassation juge également que la cour d’appel ayant retenu la responsabilité contractuelle du bureau d’études à l’égard de l’entrepreneur, il lui doit sa garantie pour les dommages dont ce dernier doit répondre au titre du parfait achèvement.
La Haute Juridiction rappelle enfin le principe du non-cumul des responsabilités : l’entrepreneur déclaré responsable d’un trouble de jouissance au titre de son contrat pour n’avoir pas mis en œuvre les mesures conservatoires nécessaires en attendant la réparation des désordres ne peut pas être condamné aussi au titre de la responsabilité extracontractuelle.
A noter :
L’arrêt mérite l’attention. Il se prononce sur le délai de la garantie de parfait achèvement. C’est un délai qui peut être interrompu par l’action en référé (Cass. 3e civ. 17-5-1995 n° 93-16.568 PF : RJDA 8-9/95 n° 1027). L’arrêt commenté retient qu’il s’agit d’un délai de forclusion et il écarte implicitement l’effet suspensif de l’action, qui ne s’applique pas aux délais de forclusion (en ce sens déjà, Cass. 3e civ. 3-6-2015 n° 14-15.796 PBI : BPIM 4/15 inf. 257, RDI 2015 p. 422, à propos de l’action en garantie des vices apparents dans une vente d’immeuble à construire). Il a été jugé que l’interruption du délai fait courir un nouveau délai à compter de l’ordonnance de référé qui met fin à l’instance même si elle désigne un expert (Cass. 2e civ. 6-3-1991 n° 89-16.995 : Bull. civ. II n° 77). Si l’ordonnance met fin à l’instance par la désignation d’un expert, l’arrêt commenté, qui retient que la date de la désignation de l’expert fait courir un nouveau délai d’un an, n’est que l’application de cette règle. Mais si le juge qui rend l’ordonnance prescrivant l’expertise laisse subsister le litige pendant les opérations d’expertise, l’effet suspensif de l’action en justice ne joue plus car il n’est pas applicable au délai de forclusion. L’arrêt est en ce sens car l’instance au fond a été probablement retardée par les opérations d’expertise (voir P. Malinvaud : RDI 2010 p. 105, qui s’interrogeait sur l’effet suspensif du référé expertise à une époque où la loi du 17 juin 2008 laissait subsister le doute sur son application au délai de forclusion).
L’arrêt commenté rappelle aussi deux principes essentiels non respectés par la cour d’appel de Papeete :
- le bureau d’études responsable du dommage doit sa garantie à l’entrepreneur tenu de la garantie de parfait achèvement ;
- lorsque la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur est retenue il n’y a pas lieu à responsabilité extracontractuelle au titre du même dommage, en vertu du principe du non-cumul qui est classique. Celui-ci a été rappelé par la première chambre civile dans un arrêt largement diffusé (Cass. 1e civ. 28-6-2012 n° 10-28.492 FS-PBI : RJDA 2/13 n° 176).