Droit de vote
1. Actuellement, lorsque les parts de société civile, de SARL, de société en nom collectif, de société en commandite simple ou les actions de SAS (sociétés par actions simplifiées) sont grevées d'un usufruit, l'article 1844, al. 3 du Code civil prévoit que le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices où il est réservé à l'usufruitier. Le quatrième alinéa du même article prévoit que les statuts de la société peuvent déroger à ces dispositions. L’article 1844 du Code civil ne s’applique pas aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions qui bénéficient d’un régime dérogatoire prévu par l’article L 225-110 du Code de commerce aux termes duquel le droit de vote appartient à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires.
2. La proposition de loi de simplification du droit des sociétés, actuellement en discussion, précise les droits de vote de chacun (Texte AN n° 250 art. 6) :
- comme actuellement, le droit de vote appartiendrait à l’usufruitier pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices ;
- pour les autres décisions, le droit de vote appartiendrait au nu-propriétaire mais, et c’est là une nouveauté, nu-propriétaire et usufruitier pourraient convenir que le droit de vote sera « exercé » par ce dernier ; les statuts ne pourraient pas interdire ou limiter cette convention.
En première lecture, le Sénat avait donné au nu-propriétaire la faculté de « déléguer » son droit de vote à l’usufruitier. La rédaction retenue par l’Assemblée nationale (« le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier ») lève toute ambiguïté.
Les statuts pourraient, comme maintenant, aménager la répartition du droit de vote entre nu-propriétaire et usufruitier. Mais encore faudrait-il qu’ils ne dérogent pas au droit des biens ; par exemple, ils ne pourraient pas réserver le vote sur l’affectation des bénéfices au nu-propriétaire car cela serait contraire aux droits accordés à l’usufruitier par l’article 578 du Code civil (Cass. com. 31-3-2004 n° 624 : RJDA 6/04 n° 711).
Droit de participer aux décisions collectives
3. Aucune disposition légale spécifique ne régit actuellement le droit du nu-propriétaire et de l’usufruiter de participer aux assemblées. La Cour de cassation a précisé que le nu-propriétaire, parce qu'il a la qualité d'associé, peut participer à toutes les assemblées, même celles dans lesquelles le droit de vote est exercé par l'usufruitier (Cass. com. 4-1-1994 : RJDA 5/94 n° 526 ; Cass. 2e civ. 13-7-2005 n° 1252 : RJDA 11/05 n° 1224 ; Cass. com. 2-12-2008 n° 08-13.185 : RJDA 3/09 n° 231). À l’inverse, sauf dans l’hypothèse où les statuts le prévoient, l’usufruitier ne dispose pas d’un droit de participation équivalent à celui du nu-propriétaire concernant les décisions collectives pour lesquelles il ne détient pas de droit de vote, la jurisprudence récente lui déniant la qualité d’associé (Cass. 3e civ. 15-9-2016 n° 15-15.172 FS-PB : RJDA 12/16 n° 869).
4. Dans un souci de sécurisation et de clarification, la proposition de loi pose pour principe le droit pour le nu-propriétaire et l'usufruitier de participer aux décisions collectives, quel que soit le titulaire du droit de vote et sans que les statuts puissent y déroger (Texte AN n° 250 art. 6 ; C. civ. art. 1844, al. 3 et 4 modifié). Cette disposition consacrerait la jurisprudence relative au droit de participation du nu-propriétaire et garantirait un droit équivalent à l’usufruitier, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans les statuts.
Ce principe s’appliquerait à l’ensemble des sociétés y compris aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions pour lesquelles il n’existe pas de texte spécial régissant la participation des actionnaires aux décisions collectives.