Un artiste peintre consent à une association la donation de 14 tableaux, en précisant que « ces œuvres ne pourront en aucun cas être revendues et qu’elles ne pourront être utilisées que pour des accrochages ou des expositions à caractère non commercial et non publicitaire ». À son décès, l’artiste laisse pour lui succéder :
- son épouse, bénéficiaire de l’attribution intégrale en pleine propriété des biens meubles et immeubles dépendant de la communauté universelle ayant existé entre eux, ainsi que de l’usufruit des droits patrimoniaux d’auteur ;
- ses cinq enfants issus de leur union, recevant la nue-propriété de ces droits et le droit moral.
Par la suite, la veuve découvre que l’une des œuvres données va faire l’objet d’une vente aux enchères. Elle assigne l’association, son président et la société ayant requis la vente en révocation de la donation pour inexécution fautive des charges.
La cour d’appel rejette sa demande. Les charges invoquées ne relèvent pas, par leur nature, de la propriété matérielle des supports des œuvres. Elles relèvent du droit moral de l’artiste, lequel a été dévolu aux enfants et non à la veuve. En conséquence, celle-ci est dépourvue de qualité pour agir en révocation de la donation.
Après avoir rappelé que l'action en révocation peut être intentée par le donateur ou ses héritiers (C. civ. art. 953 et 954), la Cour de cassation censure cette décision. En effet, la donation portait sur des biens corporels et l'action en révocation engagée par la veuve tendait à leur restitution.
A noter : L'article 953 du Code civil prévoit qu’une donation peut être révoquée pour cause d’inexécution des charges dont elle est assortie. L'article 954 du Code civil précise qu’en ce cas, les biens rentreront dans les mains du donateur. En conséquence, conformément au rappel des Hauts magistrats, la veuve a qualité à agir car elle est héritière de son époux ; elle y a intérêt puisqu’elle a vocation à recueillir les tableaux en tant qu’attributaire en pleine propriété de toute la communauté universelle.
Florence GALL-KIESMANN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Patrimoine n° 24952