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Droit de préférence du locataire commercial : il suffit que l'offre soit adressée avant la vente

Est régulière l'offre de vente notifiée par le bailleur commercial au locataire titulaire du droit de préférence avant la vente, peu important que des démarches aient été entreprises auparavant et qu'une promesse de vente ait été signée.

Cass. 3e civ. 23-9-2021 n° 20-17.799 FS-B, Sté Hôtel de Latour Maubourg c/ Assoc. cultuelle fraternité sacerdotale Saint-Pie-X


Par Maya VANDEVELDE
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©iStock

Le propriétaire d’un local commercial loué qui « envisage » de le vendre doit notifier à son locataire une offre de vente qui comprend, à peine de nullité, le prix et les conditions de la vente, le locataire disposant alors d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer (C. com. art. L 145-46-1).

Le locataire de locaux à usage d'hôtel conteste la régularité de l'offre de vente qu'il a reçue du propriétaire en invoquant deux arguments. 

Le locataire reproche au bailleur d'avoir confié un mandat de vente à un agent immobilier et fait visiter le bien avant de lui adresser l'offre et d'avoir signé une promesse de vente sous condition suspensive de la purge du droit de préférence du preneur avec un candidat acquéreur 15 jours après la notification de l'offre.  

La Cour de cassation juge au contraire que, la notification de l'offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, le bailleur avait pu engager des démarches en vue de cette vente avant la notification ; par ailleurs, le fait que le bailleur ait conclu une promesse de vente sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du locataire n'invalidait pas l'offre de vente. 

A noter :

En jugeant, dans un arrêt précédent (Cass. 3e civ. 28-6-2018 n° 17-14.605 FS-PBI : RJDA  10/18 n° 710), que le bailleur qui envisage de vendre son bien doit préalablement notifier au locataire une offre de vente ne pouvant inclure des honoraires de négociation, la Cour de cassation avait suscité des interrogations sur l'étendue et la nature des diligences pouvant être accomplies par le bailleur avant la notification. 

Le bailleur pouvait-il effectuer des démarches avant la notification, et notamment faire expertiser et évaluer son bien par un notaire ou un expert immobilier et conclure un mandat de recherche avec un agent immobilier ? Certains ont considéré que le propriétaire pouvait conclure un mandat avec un agent immobilier mais qu'était exclue la possibilité de publier une annonce immobilière pouvant constituer une offre susceptible d'acceptation ou de conclure une promesse de vente (B. Raclet et O. Gianetti : Ann. Loyers 2018 n° 7-8 p. 21 ; CA Douai 28-3-2019 no 17/03524). Pour d'autres, au contraire, la pratique consistant à consentir une promesse de vente à un tiers sous la condition suspensive du non-exercice par le preneur de son droit de préférence ne devait pas être condamnée car, si le preneur exerce son droit de préférence, la rétroactivité de la condition suspensive permet d'anéantir la promesse et d'être en conformité avec la loi (G. Allard-Kohn : « Le droit de préférence du locataire commercial » : RJDA 2/20 chron. ; C. Gijsbers, « Le sort des honoraires de négociation en cas de préemption par le locataire : regard critique sur un arrêt » : JCP G 2018 n° 984 ; M. Mekki : JCP N 2019 chron. 1201 n° 9). 

La Haute Juridiction met ici un terme à la controverse : rien n'interdit de consentir une promesse de vente à un tiers, dans la mesure où la notification de l'offre de vente est adressée au locataire avant la vente. Or, une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive du non-exercice par le preneur de son droit de préférence ne peut pas être analysée comme la conclusion d’une vente.

Le locataire soutient par ailleurs que l'offre est nulle en ce qu'elle indique non seulement le prix de l'immeuble mais également les frais d'agence.

Argument écarté par la Cour de cassation : si l'offre de vente notifiée au locataire commercial ne peut pas inclure dans le prix offert des honoraires de négociation d'un agent immobilier, dès lors qu'aucun intermédiaire n'est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l'effet de la loi, la seule mention du montant des honoraires de l'agent immobilier en plus du prix de vente principal n'est pas une cause de nullité de l'offre adressée au locataire, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge et dans l'esprit duquel cette mention n'avait introduit aucune confusion. Le locataire pouvait accepter le prix de vente en principal, clairement identifié et hors frais d'agence, de sorte que l'offre de vente n'était pas nulle.

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A noter :

On sait que le bailleur ne peut pas mettre ces honoraires à la charge du preneur (Cass. 3e civ. 28-6-2018 précité). Faut-il en déduire qu'est automatiquement nulle l'offre de vente incluant, en plus du prix de vente, les honoraires de négociation ? Non, répond la Cour de cassation dans la décision commentée. Encore faut-il que la mention de ces honoraires ait induit le locataire en erreur, lui causant ainsi un grief. Elle fait ainsi application, pour la première fois en matière de bail commercial, d'une solution dégagée à propos du droit de préférence du locataire d'habitation (Cass. 3e civ. 8-10-2015 n° 14-20.666 FS-PB : RJDA 1/16 n° 14).

Une dernière remarque : deux nullités sont prévues par l'article L 145-46-1 : la nullité de la notification qui n'indiquerait pas le prix et les conditions de la vente envisagée (al. 2) ou qui ne reproduirait pas les quatre premiers alinéas de l'article L 145-46-1 (dernier al.) ; la nullité de la vente dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur sans avoir préalablement notifié au locataire ces nouvelles conditions et ce nouveau prix (al. 3). Mais le législateur a omis de préciser la sanction du défaut de notification de l'offre de vente au locataire ! Il ne fait toutefois guère de doute que, dans un tel cas, la vente conclue avec un tiers en violation du droit reconnu au locataire est frappée de nullité.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne