L'article R 2314-15 du Code du travail prévoit des modalités de contrôle à effectuer préalablement à l'ouverture du vote électronique pour les élections professionnelles.
Un arrêt de la Cour de cassation du 19 janvier 2022 apporte des précisions sur le moment et les modalités de ces contrôles. C'est la première fois, à notre connaissance, que la Haute Juridiction rend une décision à ce sujet.
Élections professionnelles par vote électronique
En l’espèce, le premier tour des élections professionnelles s'est déroulé par vote électronique. Un syndicat demande au tribunal judiciaire l'annulation de ce premier tour au motif que les opérations de vérification de l'urne électronique n’ont pas été réalisées immédiatement avant le scrutin et publiquement en présence des représentants des listes de candidats. Le tribunal judiciaire fait droit à cette demande et annule le premier tour.
Le tribunal s'appuie sur la combinaison des articles R 2314-15 du Code du travail et L 63, alinéa 3 du Code électoral.
L'employeur conteste cette décision, la Cour de cassation lui donnant raison aux visas des articles R 2314-15 et R 2314-8 du Code du travail.
A noter :
Pour mémoire, l'article R 2314-15 du Code du travail dispose que, en présence des représentants des listes de candidats, la cellule d'assistance technique :
procède, avant que le vote ne soit ouvert, à un test du système de vote électronique et à un test spécifique du système de dépouillement à l'issue duquel le système est scellé, tout en vérifiant que l'urne électronique est vide, scellée et chiffrée par des clés délivrées à cet effet ;
contrôle, à l'issue des opérations de vote et avant les opérations de dépouillement, le scellement de ce système.
En outre, l’article R 2314-8 du Code du travail précise que le système de vote électronique doit pouvoir être scellé à l’ouverture et à la clôture du scrutin.
Quant à l’article L 63, alinéa 3 du Code électoral, il prévoit que, dans les bureaux de vote dotés d'une machine à voter, le bureau de vote s'assure publiquement, avant le commencement du scrutin, que la machine fonctionne normalement et que tous les compteurs sont à la graduation zéro.
Contrôles préalables au vote électronique selon les seules modalités spécifiques du Code du travail
Considérant que l'article L 63, alinéa 3 du Code électoral n'est pas applicable au vote électronique organisé dans le cadre des élections professionnelles, la Cour de cassation se prononce sur le seul fondement des articles R 2314-8 et R 2314-15 du Code du travail.
A noter :
Ce n’est pas la première fois que la Haute Juridiction procède à une application sélective des dispositions du Code électoral. Parmi les dispositions qu’elle juge inadaptées à l’entreprise, il est possible de citer, par exemple, l’article L 54 qui fixe la durée du scrutin à un jour (Cass. soc. 2-11-1994 n° 94-60.053 D) ou encore les articles L 18 et L 62-1, alinéa 3 qui imposent respectivement la mention du domicile des électeurs sur la liste électorale (Cass. soc. 20-3-2002 n° 00-60.315 FS-PBR : RJS 6/02 n° 702) et l’apposition sur la liste d’émargement de la signature de chaque électeur en face de son nom (Cass. soc. 13-7-2004 n° 03-60.160 FS-PB : RJS 10/04 n° 1070).
À l’inverse, la Cour de cassation juge transposables à l’entreprise les articles L 67 et R 47 qui donnent le droit à chaque liste de candidats de contrôler les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix (Cass. soc. 6-1-2011 n° 09-60.398 FS-PBR : RJS 3/11 n° 255) en exigeant, par exemple, la présence permanente dans le bureau de vote d’un délégué habilité à contrôler toutes les opérations électorales (Cass. soc. 26-5-1976 n° 76-60.035 P). De même, elle juge applicables à l’entreprise, notamment, l’article R 67 qui prévoit la proclamation publique du résultat du scrutin (Cass. soc. 11-12-1985 n° 85-60.387 P), ainsi que les articles L 59 sur le secret du vote (Cass. soc. 22-9-2010 n° 10-60.046 FS-P : RJS 11/10 n° 869), L 66 sur les bulletins exclus du résultat du dépouillement (Cass. soc. 31-3-2009 n° 08-60.494 FS-PB : RJS 6/09 n° 559) et R 52, R 57 et R 62 sur les pouvoirs du bureau de vote (Cass. soc. 8-12-2010 n° 10-60.211 F-PB : RJS 2/11 n° 160 ; Cass. soc. 28-3-2012 n° 11-16.141 F-PB : RJS 6/12 n° 581).
Or elle déduit de ces dispositions qu’elles n’imposent pas que le test du système de vote électronique et la vérification que l'urne électronique est vide, scellée et chiffrée doivent intervenir immédiatement avant l'ouverture du scrutin et publiquement en présence des représentants des listes de candidats.
Le jugement est donc cassé et renvoyé devant le tribunal judiciaire qui devra se prononcer sur les contrôles opérés à l'aune de la décision de la Cour de cassation.
A noter :
En l’espèce, il ressort des moyens annexés par la Cour de cassation que, d’une part, une réunion de vérification du site électronique et de formation des membres du bureau de vote a eu lieu une semaine avant l'ouverture du vote électronique, réunion à laquelle ont été conviés par courriel les membres du bureau de vote et les différentes organisations syndicales et que, d’autre part, une clé électronique leur permettant de procéder aux mêmes vérifications avant l'ouverture du vote ou durant le scrutin leur a été remise.
Documents et liens associés
Cass. soc. 19-1-2022 n° 20-17.076 FS-B, Sté Sanofi Winthrop industrie c/ Syndicat CGT Sanofi Winthrop industrie