La faute lourde suppose l'intention de nuire du salarié à son employeur. Cette intention est caractérisée lorsque le salarié agit dans le but de porter un préjudice à son entreprise. Qu'en est-il lorsqu'il poursuit un intérêt personnel au détriment de l'entreprise ? Cette question concerne en particulier les hypothèses où le salarié commet un acte délictuel (détournement de fonds, vol, abus de biens sociaux...) pour s'enrichir personnellement. Pour la Cour de cassation, la commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise n'établit pas en soi l'intention de nuire (Cass. soc. 22-10-2015 n° 14-11.291 et n° 14-11.801). Même si le délit, qui comporte un élément intentionnel, est pénalement sanctionné, le juge prud’homal ne peut retenir la faute lourde que s’il constate que la volonté de commettre l’infraction s’est doublée d’une intention de nuire à l’employeur (Cass. soc. 26-10-2004 n° 02-42.843). Deux arrêts récents en fournissent des illustrations.
Le premier, du 2 juin 2017, concerne un directeur d'usine qui cumule son contrat de travail avec le mandat social de président de la société par actions simplifiées qui l'emploie. Ce salarié soumet à la signature du directeur des ressources humaines de l'usine qu'il dirige un avenant à son contrat de travail. Cet avenant lui consent une prime exorbitante de six fois et demie sa rémunération annuelle. Le DRH, qui est son subordonné, s'exécute et signe l'avenant. Ce faisant, la prime échappe au contrôle prévu par les statuts de la société pour la fixation de la rémunération du président (signature par un membre du conseil exécutoire et transmission au commissaire aux comptes). Cette malversation entraîne la condamnation pénale du salarié pour abus de biens sociaux, la société le licencie pour faute lourde.
Le salarié conteste en avançant l'impossibilité pour les juges d'appel de déduire l'intention de nuire de l'élément intentionnel du délit d'abus de biens sociaux. L'argument est juste, mais pour la Cour de cassation les juges d'appel ont bien effectué ce travail en retenant que le salarié connaissait l'impact sur l'entreprise de cette prime exorbitante. L'argument est donc sans pertinence.
Le second arrêt, du 8 juin 2017, est plus étonnant. La Cour de cassation juge que la cour d’appel a « exactement déduit » des faits reprochés au salarié – notamment des détournements de fonds et des falsifications visant à les masquer – son intention de nuire à l’entreprise. Ainsi, les juges semblent s’attacher au caractère intentionnel et particulièrement grave des faits pour retenir la faute lourde. Sans doute faut-il n’y voir qu’un arrêt d’espèce.
Cécilia DECAUDIN
Pour en savoir plus sur la faute lourde : Mémento Social n° 47160