Le Conseil d'Etat se prononce, pour la première fois, sur l'imposition des joueurs de poker. Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens de l’article 92 du CGI, en raison de l’aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur, il en va différemment de la pratique habituelle d’un jeu d’argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu’elle permet à ce dernier de maîtriser de façon significative l’aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu’il développe, et lui procure des revenus significatifs. Les gains qui en résultent sont alors imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Il importe peu que le contribuable exerce par ailleurs une activité professionnelle.
Le Conseil d'Etat juge que tel est le cas du jeu de poker, dans sa version dénommée « Texas Hold’em Poker », alors même qu’il fait intervenir des distributions aléatoires de cartes communes et de cartes propres à chaque joueur. En effet, un joueur peut parvenir, grâce à l’expérience, la compétence et l’analyse de la psychologie de ses adversaires, à maîtriser le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants.
A noter:1. Le Conseil d'Etat confirme ainsi l’analyse adoptée par plusieurs juges du fond, dans des rédactions en partie différente, selon laquelle les gains issus de la pratique du poker sont imposables au titre des bénéfices non commerciaux (notamment TA Paris 25-11-2015 no 1428971 : La Quotidienne du 4 mars 2016 ; CAA Paris 7-2-2017 no 16PA01274 et 16PA00358 : La Quotidienne du 21 mars 2017). On relèvera que le Conseil d’Etat retient, dans sa décision, le seul critère de la pratique habituelle du jeu de poker. En effet, l’absence de caractère professionnel de l’activité en cause ne fait pas obstacle à l’imposition des sommes en cause dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Selon le rapporteur public, ce n’est que par simple mesure de tolérance que la doctrine administrative impose au titre des bénéfices non commerciaux les seuls profits réalisés par les joueurs de poker professionnels (BOI-BNC-CHAMP-10-30-40 no 20).
2. Par un arrêt du même jour, le Conseil d'Etat a jugé que les revenus tirés de l'exploitation du nom et de l'image d'un joueur de poker relèvent également des bénéfices non commerciaux (CE 21-6-2018 no 409427 et 409428).
Sophie KONCINA
Pour en savoir plus sur la définition des bénéfices non commerciaux : voir Mémento Fiscal nos 13150 s.