La protection absolue de la salariée cesse à la fin de son congé de maternité
Cass. soc. 1-12-2021 n° 20-13.339 FP-B, Sté Mandala international c/ H.
Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après ce congé ainsi que pendant les 10 semaines suivant l'expiration de ces périodes. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement (C. trav. art. L 1225-4).
A noter :
On notera que la décision est rendue en application de l’article L 1225-4 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016, dite « loi Travail ». Avant l’entrée en vigueur de cette loi, la protection accordée aux jeunes mères était de 4 semaines, au lieu de 10 semaines, suivant l’expiration du congé de maternité ou des congés payés pris immédiatement après ce dernier.
Dans un arrêt du 1er décembre 2021, la Cour de cassation rappelle les modalités d’application de la protection accordée à la salariée à l’issue de son congé de maternité.
La salariée bénéficie d’une protection relative durant les 10 semaines suivant son congé maternité…
En l’espèce, une salariée en congé de maternité, prolongé par un arrêt maladie, est convoquée à un entretien préalable puis licenciée pour faute grave durant ce dernier. Elle saisit la justice afin de contester le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail et, estimant que son licenciement a été notifié pendant la période de protection de la maternité dont elle bénéficiait, elle sollicite sa nullité en appel.
Pour faire droit à sa demande, la cour d’appel constate que le congé de maternité de la salariée s'est terminé le 17 décembre 2016. Mais elle retient qu’il résulte de l'article L 1225-4 du Code du travail, interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision. En l’espèce, la faute de la salariée avait été commise avant le début de son congé de maternité mais elle avait été convoquée, 10 jours après la fin de celui-ci, à un entretien préalable avant d’être licenciée le 20 janvier 2017, alors qu’elle était toujours en arrêt maladie.
A noter :
La Cour de cassation considère en effet qu’est nul le licenciement prononcé peu après un retour de congé maternité s’il est établi que l’employeur l’a préparé pendant ce congé. Tel est le cas lorsqu’un salarié est engagé pendant le congé afin de pourvoir au remplacement définitif de la salariée (Cass. soc. 15-9-2010 n° 08-43.299 FS-PBR : RJS 11/10 n° 841) ou que celle-ci est avertie par le directeur des ressources humaines de l’entreprise pendant son congé qu’elle va faire l’objet d’un licenciement économique (Cass. soc. 1-2-2017 n° 15-26.250 F-D : RJS 4/17 n° 523).
L’employeur se pourvoit en cassation, faisant valoir qu’au jour des actes préparatoires et du prononcé du licenciement, la salariée ne se trouvait pas en période de protection absolue pour congé maternité, mais relevait de la période de protection dite « relative » de 10 semaines durant laquelle le licenciement peut être notifié pour faute grave. En effet, selon lui, si la période de protection de 10 semaines suivant le congé de maternité est suspendue par la prise de congés payés suivant immédiatement le congé de maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée, il n’en va pas de même en cas d’arrêt de travail pour maladie. L’arrêt de travail pour maladie consécutif au congé de maternité relève de la période de protection relative de 10 semaines durant laquelle la salariée peut se voir notifier un licenciement s’il est justifié par une faute grave.
… et peut être licenciée pour faute grave, même si elle est en arrêt maladie
La Cour de cassation censure la décision des juges du fond. Pour elle, la protection absolue accordée par l’article L 1225-4 du Code du travail s’applique exclusivement pendant le congé de maternité et les congés payés qui y sont immédiatement accolés. Dès la fin de ces périodes, la protection relative permettant à l’employeur de notifier un licenciement pour faute grave non liée à l’état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement s’applique pendant 10 semaines. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait pas juger le licenciement de la salariée nul alors qu’elle avait constaté que son congé de maternité avait pris fin le 17 décembre 2016, de sorte que l’employeur pouvait rompre le contrat de travail s’il justifiait d’une faute grave de l’intéressée non liée à son état de grossesse, et qu’il lui appartenait de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le licenciement était justifié par une faute grave.
A noter :
La Cour de cassation confirme implicitement que le point de départ de la période de protection « relative » de la salariée n’est pas reporté en cas d'arrêt de travail pour maladie (Cass. soc. 8-7-2015 n° 14-15.979 FS-PBR : RJS 10/15 n° 637). Elle en a également jugé ainsi en cas de dispense d’activité consentie par l’employeur avec maintien de salaire consécutive au congé de maternité (Cass. soc. 14-9-2016 n° 15-15.943 FS-PB : RJS 11/16 n° 685).