Un homme sous curatelle lègue à sa nièce, sa curatrice, et au mari de celle-ci la quotité disponible de ses biens. À l’ouverture de sa succession, son fils conteste la dévolution successorale en se prévalant de l’interdiction de recevoir des libéralités faite aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs et personnes morales au nom desquelles ils exercent leur fonction (C. civ. 909, al. 2). Les juges font droit à sa demande. Selon eux, cette interdiction s’applique au curateur non-professionnel. Par ricochet, le conjoint de la nièce, présumé personne interposée, ne peut bénéficier du legs universel, sauf à apporter la preuve de la réalité de l’intention libérale du défunt à son égard (C. civ. art. 911). Or cette preuve n’est pas rapportée.
Cassation. L'incapacité de recevoir à titre gratuit prévue à l’article 909 précité ne concerne que les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions. Les membres de la famille du défunt, lorsqu'ils exercent les fonctions de tuteur, curateur, mandataire spécial désigné lors d'une mesure de sauvegarde de justice, personne habilitée ou mandataire exécutant un mandat de protection future, n'entrent pas dans son champ d'application. En l’espèce, la nièce du défunt, bien qu’elle ait exercé les fonctions du curateur, n’a pas la qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
A noter : La Cour de cassation rappelle que les incapacités de jouissance sont de droit étroit : la liste des personnes concernées par une incapacité relative de recevoir des libéralités, qui repose sur une présomption légale de captation, est limitative (Cass. 1e civ. 25-9-2013 n° 12-25.160 FS-PBI : Sol. Not. 11/13 inf. 268, à propos d’une aide-ménagère). Les membres de la famille du défunt qui exercent une fonction de protection (tuteur, curateur, etc.) ne sont pas concernés.
Cette liste a été remaniée à plusieurs reprises ces dernières années. Y ont été ajoutés récemment :
- les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions (C. civ. art. 909, al. 2 issu de loi 2007-308 du 5-3-2007) ;
- les accueillants familiaux et les employés de maison notamment (CASF art. L 116-4 issu de loi 2015-1176 du 28-12-2015).
Ceux-ci sont ainsi frappés à leur tour d’une « incapacité de suspicion » (M. Grimaldi : Droit civil Libéralités Partages d’ascendants, Litec 2000, n°s 1082 s.).
On remarque que la vigilance exponentielle du législateur à l’égard des professionnels intervenant au service des personnes vieillissantes s’accompagne de la reconnaissance à la sphère familiale de nouveaux attributs dans l’accompagnement de nos aïeuls (en ce sens, création de l’habilitation familiale par l’ord. 2015-1288 du 15-10-2015).
Caroline CROS
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Famille n° 63110