Si l’IFI n’existait pas, il faudrait l’inventer. Les amateurs d’immobilier l’apprécient certes moyennement, mais les amoureux de stratégie patrimoniale remercient le Ciel. Car voici un impôt qui oblige à tout repenser : la structuration globale du patrimoine, d’abord, avec une évidente incitation à investir dans « l’économie réelle » plutôt que dans « l’immobilier improductif » (à supposer qu’il soit toujours avantageux de se placer sous l’empire du nouveau prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, ce qui n’est pas évident) ; les schémas de détention immobilière, ensuite. La loi de finances pour 2018 a en effet mis en place un régime d’une rare complexité qui, contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, traite de façon significativement différente l’immobilier détenu en direct et l’immobilier détenu via des structures juridiques. Certes, les nouveaux textes entendent percer le voile sociétaire pour appréhender l’immobilier où qu’il se trouve ; mais ils ne le font qu’imparfaitement. Et surtout, la valeur des titres de société dépendant du passif logé dans la structure, la localisation de l’endettement a un impact décisif sur l’assiette de l’IFI.
Le passif… Stratèges, réveillez-vous si vous dormiez encore. Tout est à revisiter : les comptes courants d’associés, désormais présumés abusifs ; les prêts in fine, que la loi traite comme des prêts amortissables (s’ils sont souscrits par le redevable) ; les prêts familiaux, soupçonnés entre tous, à moins que leurs conditions ne soient « normales ».
Quant à l’immobilier d’entreprise, le législateur entretient avec lui une relation d’amour mêlé de méfiance. Sorti de l’assiette de l’IFI, l’immobilier professionnel est sanctuarisé. Les mises à disposition de l’immobilier à l’intérieur des groupes sortent même plutôt renforcées du passage de l’ISF à l’IFI. Reste à vérifier que les multiples conditions posées par le législateur sont remplies pour que les faveurs qu’il déploie soient applicables. Le diable se nichant dans les détails, une structuration déficiente risquerait fort d’avoir de lourdes conséquences.
Et le contribuable, dans tout cela ? Sa bonne foi lui ouvre une clause de sauvegarde s’il a le malheur de posséder à son insu de l’immobilier logé indirectement dans des structures dans lesquelles il est minoritaire. Mais gare à lui s’il en acquiert le contrôle. On ne lui pardonnera plus son ignorance.
Nul n’est censé ignorer la valeur de ses immeubles. Nul n’est censé ignorer la loi. Mais chacun est-il censé la comprendre ?
Par Daniel GUTMANN, Avocat associé CMS Bureau Francis Lefebvre, professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris I)
Voir aussi Impôt sur la fortune immobilière : focus sur les dettes déductibles
Pour en savoir plus sur l'IFI : voir Solution Notaire Hebdo et Feuillet rapide fiscal-social 1/18