A l’occasion de l’achat d’un fonds de commerce par une société, des époux mariés sous le régime de la communauté se portent caution, à hauteur de 466 000 € chacun, du remboursement d’un prêt consenti par une banque.
Après avoir relevé qu’aucune fiche de renseignements sur la situation patrimoniale des cautions n’avait été établie, la cour d’appel de Rouen a jugé le cautionnement disproportionné aux biens et revenus des cautions à la date à laquelle il avait été consenti pour les raisons suivantes :
le mari percevait alors un revenu mensuel de 3 000 € et sa femme de 2 700 € ;
au titre de leurs charges, leur impôt sur le revenu s’élevait à 3 300 € et ils remboursaient chaque mois des crédits pour l’achat d’un véhicule (192 €) et de leur logement (900 €) ;
leur logement était évalué à 350 000 €, le capital restant dû au moment du cautionnement s’élevant à 35 400 €, si bien que leur actif immobilier s’élevait à 314 600 € ;
ils possédaient des valeurs mobilières pour un montant de 130 800 € mais ils avaient apporté 105 000 € pour l’achat du fonds, si bien que leur actif disponible était réduit à 25 800 € ;
en affectant la totalité de leurs biens (340 400 €) au paiement de leur engagement de caution de 466 000 €, il restait 125 600 € à apurer avec leurs revenus (s’élevant chaque mois, déduction faite des impôts et du remboursement des prêts, à 4 300 €, sans compter le minimum nécessaire à leur vie courante), ce qui ne pouvait être fait en moins de 30 mensualités.
La banque n’ayant pas soutenu que le patrimoine et les revenus des cautions leur permettaient de faire face à leur engagement au moment où elles ont été appelées à l’exécuter, elle ne pouvait pas se prévaloir du cautionnement (application de l’ancien article L 332-1 du Code de la consommation).
A noter :
Le cautionnement souscrit depuis le 1er janvier 2022 par une personne physique envers un créancier professionnel, qui était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, est, on le rappelle, réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date (C. civ. art. 2300) ; s’il a été consenti avant 2022 comme dans l’affaire commentée, la caution est entièrement déchargée (C. consom. ex-art. L 332-1). Autre différence entre le cautionnement souscrit avant ou après 2022 : pour le premier, la caution peut être poursuivie si, au moment où elle est poursuivie en exécution de son engagement, son patrimoine lui permet de faire face à son obligation (C. consom. ex-art. L 332-1).
Il appartient à la caution d’apporter la preuve de la disproportion (Cass. com. 25-5-2022 n° 20-21.935 F-D : RJDA 8-9/22 n° 513). L’arrêt commenté souligne les éléments que doit produire la caution pour convaincre le juge lorsque aucune fiche patrimoniale n’a été établie lors de la conclusion de son engagement, ce qui ne sera pas toujours facile (en l’espèce, les cautionnements avaient été souscrits en 2012 et le litige entre la banque et les cautions avait été initié en 2019).
Avec le Bulletin Rapide Droit des Affaires, suivez toute l'actualité juridique commentée et analysée pour assurer la relance d'activité pour vos clients ou votre entreprise :
Vous êtes abonné ? Accédez la revue à distance grâce à la version en ligne
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un essai gratuit d'un mois à la revue Bulletin Rapide Droit des Affaires.