Lorsqu’une immobilisation est libellée en devises, son coût d’acquisition, puis la dette issue de cette acquisition, sont susceptibles d’être couverts (sur ces couvertures, voir MC 26510).
À l’inverse, quand l’immobilisation est acquise à l’étranger et payée en euros, une couverture peut également être mise en place, dans le cas où l’acquisition donne lieu à de la TVA récupérable, le délai entre le versement de la TVA en euros et son remboursement en devises étant porteur d’un risque de change.
C’est cette couverture qui fait l’objet de l’écriture du mois.
Exemple :
Fin novembre N, une entreprise acquiert et paye une immobilisation en euros pour 100 M€ HT.
La TVA récupérable prévue dans l’acte de 20 M€ sera remboursée en devises 3 mois au bout de 3 mois, en février N+1.
Le cours du jour de l’opération est de 1 € = 10 Dev.
À la date d’acquisition
L’immobilisation est enregistrée à l’actif pour son coût d’acquisition (C. com art. R 123-18 et PCG art. 213-1), c’est-à-dire pour son prix d’achat, net du montant de TVA récupérable (PCG art. 213-8), soit 100 M€.
Le montant de TVA est inscrit à l’actif pour son montant en euros pour le montant inscrit dans l’acte, soit 20 M€.
Exemple :
(suite) La créance de TVA à recevoir étant remboursable en devises, l’entreprise souscrit le jour de l’acquisition une option de vente de devises pour se couvrir contre le risque de change. Le nominal de l’option est de 200 M Dev (soit 20 M€), l’échéance est à 3 mois et le prix d’exercice de 1 € = 10. Le coût de cette couverture est uniquement un coût de portage pour 1 M€ (prime).
Par hypothèse, on considérera que l’entreprise diffère habituellement le coût de ses couvertures de dettes et créances en devises et les comptabilise en résultat symétriquement au résultat sur l’élément couvert, conformément à l’option qui lui est offerte (PCG art. 628-12).
Le nominal de l’option de vente n’est pas comptabilisé au bilan. Il représente un engagement hors bilan (PCG art. 628-1, voir MC 50695).
L'opération est qualifiée de couverture et la comptabilité de couverture s’applique en conséquence. En effet (PCG art. 628-7 à 628-9 ; Note de présentation du Règlement ANC 2015-05 § 2) :
l’option de vente est un dérivé éligible en tant qu'instrument de couverture ;
la créance de TVA est éligible en tant qu'élément couvert. En effet, la Note de présentation précitée précise qu'un actif enregistré au bilan en euros et générant une exposition économique à un risque de change peut être documenté comme élément couvert, même s'il n'est pas réévalué au bilan par la suite au titre des variations de change ;
la réduction du risque de change lié à la créance de TVA est manifeste, le dérivé étant parfaitement adossé à la créance couverte.
La sortie de trésorerie correspondant à la prime versée à la souscription de l’option de vente est comptabilisée au bilan (PCG art. 628-2), à notre avis dans un compte d’instruments financiers à terme.
Fiscalement :
il en est de même (BOI-BIC-PDSTK-10-20-70-50 nos 40 et 130 ; CE 29-11-2021 n° 450732).
A noter :
S’agissant d’un coût engagé dans le but de couvrir la variation de valeur d’un élément ne faisant pas partie du coût d’acquisition de l’immobilisation (la TVA récupérable), il ne peut en aucun cas être comptabilisé en immobilisation en tant que coût accessoire à l’acquisition (PCG art. 213-8). La solution aurait été la même si la couverture avait été prise avant l’acquisition, en prévision du futur risque de change.
À la date de clôture N
Exemple :
(suite) À la clôture N, le cours est de 1 € = 12 Dev.
Concernant la créance de TVA remboursable en devises, elle doit être convertie et comptabilisée en euros sur la base du dernier cours de change au 31 décembre N, soit 16,67 M€ (200 x 1/12). La différence de conversion de 3,33 M€ par rapport aux 20 M€ enregistrés à l’acquisition (perte de change latente) est inscrite à l’actif dans un compte transitoire, en contrepartie de la créance (PCG art. 420-5 et 420-8).
Fiscalement :
voir ci-après.
La perte de change latente n’entraîne pas la constitution d'une provision pour risques, car le risque est entièrement couvert par une vente à terme parfaitement adossée (PCG art. 420-6).
Concernant l’option de vente (instrument de couverture), deux approches sont à notre avis possibles, selon la lecture faite de l’article 628-11 du PCG, selon lequel « les variations de valeur des instruments de couverture ne sont pas reconnues au bilan, sauf si la reconnaissance en partie ou en totalité de ces variations permet d'assurer un traitement symétrique avec l'élément couvert » :
soit le principe de symétrie ne s’applique qu’au résultat et dans ce cas, tant que le résultat sur l’élément couvert n’est pas reconnu (remboursement de la créance), les variations de valeur de l’option de vente ne sont pas enregistrées au bilan ;
soit le principe de symétrie s’applique au bilan comme au compte de résultat et dans ce cas, la créance (élément couvert) étant obligatoirement réévaluée à la clôture, les variations de valeur de l’option de vente devraient être symétriquement enregistrées au bilan.
Selon la deuxième approche, la variation de valeur de l’option de vente est calculée sur la base du dernier cours de change au 31 décembre N, soit 3,33 M€ [20 — (200 × 1/12)). Cet écart de conversion (gain de change latent) est inscrit au passif dans un compte transitoire, en contrepartie d’un compte d’instruments financiers à terme.
Ainsi, les deux écarts de conversion sont du même montant, la couverture étant parfaite. Les différences de conversion, lorsqu'elles sont compensées par des contrats de couverture de change, sont enregistrées dans des subdivisions distinctes des comptes 476 et 477.
À notre avis, les deux écarts (comptabilisés aux comptes 4787 et 4768) devraient pouvoir être compensés pour la présentation au bilan.
Fiscalement :
les gains ou pertes latents à la clôture sont pris en compte dans le résultat fiscal, lorsqu’ils portent sur :
– les créances et dettes libellées en devise étrangère (CGI art. 38, 4) ;
– les profits et pertes résultant de contrats à terme d'instruments financiers en cours à la clôture (CGI art. 38, 6-1°).
En principe, toutefois, dans le cas des positions symétriques (voir MC 41665), la déduction des pertes latentes sur la créance est limitée par l’article 38, 6 3° du CGI, au montant des gains non encore imposés sur la position prise en sens inverse.
Au cas particulier de notre exemple, la créance et l’option relèvent bien du régime des positions symétriques puisque leurs valeurs subissent des variations corrélées telles que le risque de variation de valeur de l'une des positions est compensé par l’autre position (voir MC 41665).
Mais dans la mesure où les gains latents sur l’option sont intégralement imposés, les pertes latentes sur la créance seront intégralement déductibles, ce qui aboutit à neutraliser les effets des variations de change, même si les éléments sont tous pris en compte pour la détermination du résultat fiscal.
Le résultat fiscal est donc égal, dans cet exemple, au résultat comptable.
Concernant la prime comptabilisée à l’actif lors de la souscription de l’option, elle est conservée à l’actif jusqu’au remboursement de la TVA, l’entreprise ayant choisi de constater le coût de la couverture en résultat symétriquement au résultat sur l’élément couvert.
Fiscalement :
suivant la position de l'administration (BOI-BIC-PDSTK-10-20-70-50 nos 40, 120 et 130), la prime payée lors de l'achat de l'option négociable est déductible lors de l'exercice de l'option, quel que soit le choix de méthode retenu en comptabilité. En conséquence, la société ayant choisi de différer le coût de la couverture, aucun retraitement extra-comptable n’est à réaliser.
Sur les informations à donner en annexe au titre des méthodes comptables retenues, des instruments dérivés et des stratégies de couverture, voir MC 43335 à 43345.
À l’ouverture de l’exercice N+1
Les écritures de conversion à la clôture sont contrepassées.
À la date de remboursement par l’État de la TVA
Exemple :
(suite) La TVA est remboursée en devises fin février N+1 pour 18 M€. Le cours du jour du remboursement est de 1 € = 11,11 Dev.
La créance de TVA est remboursée pour un montant de 200 M Dev en février. La trésorerie est enregistrée en comptabilité pour son montant converti en euros au jour de l’opération, soit 18 M€ (200 × 1/11,11). La perte de change de 2 M€ (20 – 18) est comptabilisée en résultat d'exploitation, s'agissant d'une opération de nature commerciale (et non financière).
Fiscalement :
l’écart de change sur la créance de TVA au titre de l’exercice N + 1 doit, conformément à l’article 38, 4 du CGI, être déterminé d’après la valeur de la créance retenue à la clôture de l’exercice N, soit 16,67 M€. Un gain de change doit donc être compris dans le résultat imposable d’un montant de 1,33 M€ (18 – 16, 67). En définitive, le montant total net des écarts de change ayant affecté le résultat imposable correspond à une perte de 2 M€ (3,33 – 1,33).
À cette même date, la couverture est débouclée pour un montant de 2 M€ [soit (200 × 1/10 – (200 × 1/11,11)]. Ce résultat positif de couverture est à présenter dans la même rubrique du compte de résultat, voire dans le même poste que celui de l'élément couvert (PCG art. 628-11).
Fiscalement :
conformément à l’article 38, 6-1° du CGI, il convient d’inclure dans le résultat imposable N+1 une perte égale à la différence entre la valeur de l’option retenue pour déterminer le résultat imposable N, soit 3,33 M€, et le montant constaté à la date à laquelle la couverture est débouclée (2 M€), soit 1,33 M€. En définitive, un résultat positif de couverture de 2 M€ aura été imposé, réparti entre les exercices N et N+1.
Par ailleurs, l’option pour la constatation des frais de couverture lors du débouclage ayant été prise, la charge est également constatée à cette date et dans le même compte que le résultat de couverture.
Fiscalement :
il en est de même, la prime payée lors de l'achat de l'option est déductible lors de l'exercice de l'option (voir ci-avant).