Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme (C. civ. art. 1212).
En mars 2001, une entreprise de nettoyage conclut un contrat d'entretien avec une société exploitant un supermarché, moyennant le paiement d'un abonnement mensuel. Le contrat est conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, chaque partie pouvant y mettre fin à charge « d'en aviser l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception 2 mois au moins avant la date d'échéance annuelle ».
En 2016, la société exploitant le supermarché dénonce le contrat d'entretien à compter du 1er juillet. Estimant que ce dernier ne pouvait être dénoncé qu'à son échéance annuelle, l'entreprise de nettoyage lui réclame le paiement des mensualités restant dues jusqu'au mois de mars 2017 (soit environ 18 800 €).
La cour d'appel de Versailles juge la rupture fautive : à défaut de manifestation de volonté avant l'échéance annuelle de résilier le contrat, ce dernier s'est renouvelé par tacite reconduction, de sorte qu'un nouveau contrat identique a été conclu aux conditions antérieures, et notamment pour une durée d'un an. En résiliant le contrat avant l'échéance annuelle suivante, la société exploitant le supermarché a manqué à ses obligations.
L'entreprise de nettoyage, qui n'a pas réalisé les prestations prévues au contrat jusqu'au terme de ce dernier, ne peut pas soutenir que son préjudice est constitué de l'intégralité des prestations prévues jusqu'à cette date. Elle ne justifie par ailleurs d'aucun élément justifiant d'un éventuel licenciement de personnels ou de coûts salariaux devenus inutiles du fait de la rupture ou d'éventuels investissements matériels perdus. Par suite, la cour évalue son préjudice à la somme de 5 550 €, ce qui représente l'équivalent de 3 mois de prestations.
A noter : L'ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats a introduit dans le Code civil des articles régissant le renouvellement et la tacite reconduction des contrats (C. civ. art. 1212 s.). Ces dispositions, visées par l'arrêt, n'étaient certes pas applicables à l'époque des faits, mais dans la mesure où l'ordonnance s'est bornée à reprendre et à codifier les règles jurisprudentielles qui s'appliquaient auparavant, un tel constat n'a aucune conséquence pratique.
Il résulte de ces règles et des nouveaux textes que, lorsque, à l'expiration du terme d'un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d'en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction, celle-ci produisant les mêmes effets que le renouvellement du contrat (jurisprudence antérieure et C. civ. art. 1215). Le contrat reconduit est donc un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent, mais dont la durée est en principe indéterminée (jurisprudence antérieure et C. civ. art. 1214).
Toutefois, les parties peuvent convenir que la durée initiale vaudra pour le contrat reconduit, ce qui est le cas lorsqu'il est reconduit plusieurs fois de suite d'échéance en échéance pour la même durée déterminée ou lorsque la tacite reconduction est prévue d'année en année (Cass. com. 15-1-2008 n° 06-14.698 : RJDA 4/08 n° 396). Interprétant souverainement le contrat de nettoyage qui leur était soumis, les juges ont estimé qu'il avait été reconduit pour la durée initiale d'un an.
S'agissant d'un contrat à durée déterminée, sa rupture fautive avant terme obligeait son auteur à réparer le préjudice subi par son cocontractant. Encore fallait-il que ce préjudice soit établi.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 16222