Dans un arrêt du 29 septembre 2023, la Cour de cassation étend à la rupture de la période d'essai une règle déjà posée en cas de licenciement nul pour discrimination liée à l'état de santé du salarié : le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et le jugement constatant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, peu important qu'il ait ou non perçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période (Cass. soc. 11-7-2012 n° 10-15.905 FS-PB).
En l'espèce, la rupture du contrat de travail était survenue pendant la période d'essai.
A noter :
Aucun licenciement n'avait été mis en oeuvre puisque, en application de l'article L 1231-1 du Code du travail, les dispositions relatives au licenciement personnel ne sont pas applicables à la rupture du contrat pendant la période d'essai. En revanche, les dispositions relatives à l'interdiction des discriminations, insérées dans le titre III du livre I de la première partie du Code du travail, sont applicables pendant la période d'essai, ce dont il résulte qu'est nulle la rupture de la période d'essai pour un motif discriminatoire (Cass. soc. 16-2-2005 n° 02-43.402 FS-PB).
La cour d'appel avait jugé nulle la rupture de la période d'essai pour discrimination liée à l'état de santé de la salariée et ordonné sa réintégration. Elle avait condamné l'employeur à payer à l'intéressée un rappel de salaire entre la rupture de la période d'essai et la date de sa réintégration effective en déduisant les sommes perçues au titre des allocations de Pôle emploi.
Censure de la Cour de cassation. La rupture ayant caractérisé une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l'alinéa 11 du préambule de la Consitution du 27 octobre 1946, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période.
A noter :
La Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur la possibilité pour le salarié d’obtenir sa réintégration en cas de nullité de la période d’essai. Elle a, en revanche, exclu le bénéfice des indemnités de rupture relatives au licenciement (Cass. soc. 12-9- 2018 n° 16-26.333 FS-PB ; Cass. soc. 9-1- 2019 n° 17-31.754 F-D).
En l'espèce, le pourvoi ne critiquait pas la décision de la cour d'appel de faire droit à la demande de réintégration de la salariée, de sorte que la chambre sociale de la Cour de cassation ne pouvait pas la remettre en cause. On ne peut donc tirer aucun enseignement de cet arrêt sur ce point.
Cette question reste intéressante et la réponse n’est pas forcément évidente. Si l’application de l’article L1235-3-1 du Code du travail relatif aux effets de la nullité du licenciement est expressément exclue par l’article L 1231-1 du même Code, on pourrait toutefois concevoir la possibilité de tirer de la prohibition de toute discrimination, prévue par l’article L 1132-1 du Code du travail, un principe jurisprudentiel de droit à la réintégration en cas de rupture de la période d’essai pour un motif discriminatoire. Cela ne serait cependant pas sans poser de nombreuses questions quant aux effets de cette réintégration, à commencer par celle de déterminer si la durée de la période d’essai restant à courir à la date à laquelle la rupture est survenue serait reportée au moment de la réintégration du salarié.
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