Un bail commercial, prenant effet le 20 janvier 2010, est conclu pour une durée de 9 ans. En avril 2018, le locataire donne congé aux bailleurs pour le 19 janvier 2019. Puis, étant finalement resté dans les locaux, il confirme, par courrier du 28 février 2019, son « intention de proroger le délai de préavis » jusqu’au 30 juin 2019, tout en précisant que cette prorogation ne saurait être considérée comme un renouvellement de bail. Le bailleur conteste, estimant que le locataire a renoncé à son congé et qu’un nouveau bail commercial a pris effet. Le locataire fait alors dresser un procès-verbal d’état des lieux de sortie par un huissier de justice le 18 juillet 2019 et lui remet les clefs pour qu’elles soient laissées à la disposition du bailleur.
La cour d’appel de Rouen juge que le bail avait bien été résilié le 19 janvier 2019, qu’il n’y avait pas eu de renouvellement du bail commercial faute que soit établie l'existence d'une renonciation du locataire à son congé procédant d'actes non équivoques et que le locataire était donc occupant sans droit ni titre après cette date.
En effet, le fait que le locataire soit resté dans les lieux sans autorisation après le 19 janvier 2019, tout en s'abstenant de verser une quelconque somme en contrepartie de son occupation, ne constituait pas un élément suffisant permettant de conclure qu’il aurait renoncé à son congé et que le bail aurait été tacitement prolongé. En outre, dans son courrier du 28 février 2019, le locataire avait pris soin de préciser que la prorogation de l’effet du congé ne pouvait être considérée comme un renouvellement du bail.
Il n'était par ailleurs pas établi que le bailleur avait accepté que le locataire proroge l’effet de son congé, si bien que ce dernier ne justifiait pas avoir bénéficié d’un quelconque titre d’occupation des lieux après le 19 janvier 2019.
Le locataire avait remis les clefs des locaux et quitté les lieux en juillet 2019, il devait être condamné à payer une indemnité pour son occupation des locaux jusqu'à cette date, peu important qu'il n'eût pas effectué son changement d’adresse à La Poste et qu’il eût continué de recevoir du courrier à l’adresse des lieux objet du bail.
A noter :
1° Solution constante. En matière de bail, la libération des locaux et leur restitution se matérialisent par la remise des clefs au bailleur (Cass. 3e civ. 13-10-1999 n° 97-21.683 PB : RJDA 12/99 n° 1301 ; Cass. 3e civ. 3-12-2020 n° 19-22.443 F-D : RJDA 2/21 n° 77 ; Cass. 3e civ. 16-3-2023 n° 21-25.002 F-D).
En l’absence de restitution régulière des clefs, le locataire est tenu de payer une indemnité d’occupation jusqu’à la reprise effective des lieux par le propriétaire ou son refus de recevoir les clefs (Cass. 3e civ. 3-12-2020 n° 19-22.443, précité).
2° Les baux commerciaux ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement (C. com. art. L 145-9, al. 1). A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat (même art., al. 2).
L’auteur du congé peut toujours renoncer à se prévaloir du bénéfice de son congé, mais cette renonciation doit résulter d’une volonté expresse et non équivoque (Cass. 3e civ. 9-2-1994 n° 91-21.834) et s'apprécie au cas par cas. Ainsi jugé qu’un locataire avait renoncé au bénéfice de son congé lorsqu’il s’est maintenu dans les lieux après la date d’effet du congé qu’il a lui-même délivré et qu’il a continué à payer des loyers (Cass. 3e civ. 30-3-2017 n° 15-20.559 FS-D : RJDA 6/17 n° 391). Jugé, en revanche, que la renonciation du locataire s'étant maintenu dans les lieux après la date d’effet de son congé ne résultait pas du fait qu'il avait lui-même qualifié ce congé de « mesure de précaution formelle », cet élément ne visant qu'à maintenir un climat propice à la négociation sans impliquer de volonté de renoncer au bénéfice du congé en cas d'échec (Cass. 3e civ. 26-1-2022 n° 21-10.828 F-D : BRDA 6/22 inf. 14).
Documents et liens associés :
CA Rouen 7-9-2023 n° 22/01468, SARL Home Tradition c/ Z.