Un fabricant de bouteilles en verre destinées notamment au secteur viticole confie la distribution de ses produits à trois sociétés coopératives agricoles. Après avoir regroupé leurs achats au sein d’une autre société dédiée, les trois coopératives informent le fabricant de la cessation de la distribution de ses produits. Le fabricant engage alors à leur encontre une action en réparation pour rupture brutale d’une relation commerciale établie (C. com. ex-art. L 442-6, I-5°, devenu art. L 442-1, II).
La Cour de cassation rappelle que constitue une rupture brutale le fait d’imposer à un partenaire une modification substantielle de la relation. Elle censure alors pour motifs insuffisants la décision de la cour d’appel de Paris qui avait jugé que les sociétés avaient souhaité regrouper leurs achats au sein d'une société d'union d'achats et de services, ouverte à tous autres coopérateurs, à laquelle les factures devaient être adressées, ce qui avait entraîné un arrêt de leurs propres approvisionnements auprès du fabricant et que ce changement de cocontractant constituait une modification substantielle de la relation que le fabricant était libre de refuser.
A noter : Une relation commerciale nouée avec un partenaire économique et poursuivie avec un autre peut être qualifiée de relation établie dès lors que les parties entendent s’inscrire dans la relation initialement nouée (Cass. com. 15-9-2015 n° 14-17.964 : RJDA 11/15 n° 785 ; Cass. com. 3-5-2016 n° 15-10.158 : RJDA 11/16 n° 822).
Lorsque le courant d’affaires se poursuit, seule une modification substantielle peut caractériser une rupture brutale de la relation commerciale. Tel est le cas d’une baisse brutale et délibérée des commandes (Cass. com. 23-1-2007 n° 04-16.779 F-PB : Bull. civ. IV n° 8).
Au cas particulier, les trois sociétés coopératives avaient souhaité regrouper leurs achats dans une nouvelle société, sans aucune autre modification, notamment en termes de commandes ou de tarifs. La Cour de cassation ne pouvait donc que censurer l’arrêt d’appel dès lors que la relation n’était pas autrement modifiée, et que le fabricant qui se prétendait victime était libre de refuser ce changement.
Dominique LOYER-BOUEZ
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation n° 85112