Un locataire délivre congé à son bailleur avec un préavis d’un mois. N’ayant pas obtenu restitution de son dépôt de garantie après la résiliation du bail, il saisit le tribunal d’instance. Le bailleur demande l’application d’un délai de préavis de 3 mois.
Le tribunal considère que le locataire est fondé à invoquer un délai de préavis réduit, quand bien même le justificatif du motif invoqué, à savoir l’attribution d’un logement par un organisme HLM, a été remis tardivement au bailleur lors de la tentative de conciliation.
Le jugement est cassé : en application de l’article 15, I de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi 2014-366 du 24 mars 2014, faute pour le locataire qui souhaite bénéficier d’un délai de préavis réduit de préciser le motif invoqué et d’en justifier au moment de l’envoi de la lettre de congé, le délai applicable à ce congé est de 3 mois.
À noter : Jurisprudence nouvelle.
Le délai de préavis applicable au congé est, en principe, de 3 mois lorsqu’il émane du locataire (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15, I). Toutefois, il peut être réduit à un mois dans plusieurs cas (obtention d’un premier emploi, mutation, perte d’emploi, nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi, locataire âgé de plus de 60 ans et dont l’état de santé justifie un changement de domicile, locataires bénéficiaires de l’AAH, du RMI ou du RSA). La loi Alur 2014-366 du 24 mars 2014 a notamment ajouté le cas, en cause dans le présent litige, du locataire s’étant vu attribuer un logement HLM.
Avant l’entrée en vigueur de la loi Alur, le locataire n’avait pas à donner connaissance, lors du congé, du motif dont il entendait se prévaloir pour obtenir un préavis réduit. Il lui suffisait d’en justifier si le bailleur le lui demandait (Cass. 3e civ. 2-5-2012 n° 11-15.096 ; Cass. 3e civ. 30-6-2010 n° 09-16.244 : BPIM 6/10 inf. 510 ; Cass. 3e civ. 8-12-1999 n° 98-10.206 : BPIM 1/00 inf. 60).
Mais la loi précitée a pris l’exact contre-pied de cette jurisprudence et impose désormais au preneur de préciser le motif qu’il invoque et d’en justifier dans sa lettre de congé, faute de quoi le délai applicable est de 3 mois. En conséquence, il ne peut plus être considéré que le délai de préavis réduit s’applique même si le motif invoqué n’est justifié qu’a posteriori. Cette nouvelle disposition, sévère pour le locataire qui ne peut plus « rattraper » un congé insuffisamment motivé, ne semble cependant pas faire peser sur lui une exigence insurmontable. En effet, le locataire qui se prévaut d’un délai de préavis réduit a nécessairement connaissance, au moment de la délivrance du congé, de sa justification. Dès lors, il n’est pas anormal qu’il en expose la raison au bailleur. Ainsi, celui-ci n’aura plus besoin de réclamer un justificatif que le locataire lui remettait avec plus ou moins de diligence et parfois au prix d’une procédure judiciaire désormais inutile. Le jugement, qui a fait application d’une jurisprudence rendue caduque par une disposition législative contraire, a donc été cassé.
Anne-Lise COLLOMP, Conseiller référendaire à la Cour de cassation
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Patrimoine n° 16210