Dans le cadre d’un contrat de conseil d’une durée de 4 ans pour les créations et l’image d’une SAS de haute couture et de diverses conventions relatives à la rémunération de la société de conseil, l’associé majoritaire de la SAS et la société de conseil, qui détenait des actions de la SAS, concluent un pacte réglant leurs relations. Ce pacte prévoit qu’il est conclu pour la durée de la SAS, fixée à 99 ans ; il ajoute qu’il se terminerait de plein droit et par anticipation à l’égard de tout associé ayant cessé de détenir une ou des actions de la SAS et qu’en toute hypothèse les conventions signées en exécution ou à l’occasion du pacte continueraient à s’appliquer conformément à leurs termes et conditions.
La société de conseil ayant indiqué à ses cocontractants qu’elle ne souhaitait pas renouveler le contrat de conseil après son terme, l’associé majoritaire lui notifie la résiliation du pacte.
La cour d’appel de Paris a jugé que le pacte était à durée déterminée et que sa résiliation unilatérale n’était pas régulière. En effet, à la date de la résiliation, la société de conseil était toujours associée de la SAS. Il résultait de la stipulation expresse d’une clause de durée dans le pacte et de sa référence à la durée de la SAS que les parties avaient bien entendu appliquer un terme précis à leurs engagements au titre du pacte d’actionnaires. En outre, le pacte faisait partie d’un ensemble conventionnel cohérent prévoyant qu’une fois la mission de conseil arrivée à son terme, toutes les actions détenues par le minoritaire devraient être revendues suivant un calendrier précis et au plus tard 7 années après l’acquisition par celui-ci du dernier lot d’actions.
La cour a jugé par ailleurs que le pacte n’était pas devenu caduc. En effet, la caducité est la conséquence de la disparition, postérieure à la conclusion de la convention, d’une de ses conditions de formation. A cet égard, le litige entre les parties portait sur les raisons qui avaient déterminé la conclusion du pacte : l’associé majoritaire faisait valoir qu’il avait été conclu en raison de la participation effective du conseil à la création de valeur de la SAS de sorte que la fin de sa collaboration avait mis fin à l’affectio societatis et rendait le pacte caduc, tandis que la société de conseil soutenait que le pacte n’avait été conclu que pour lui donner des garanties sur la valeur de sa participation dans la SAS. Au vu de l’ensemble conventionnel dont faisait partie le pacte, si l’intéressement au travers de l’actionnariat de la société de conseil avait pu renforcer la collaboration du conseil au sein de la SAS, le pacte avait avant tout été organisé à l’initiative de l’associé majoritaire pour des raisons d’optimisation fiscale et comme levier de profitabilité pour la SAS.
En conséquence, la cour d’appel a prononcé le maintien de la force obligatoire du pacte et, en particulier, de ses dispositions instituant un droit renforcé à l’information au profit de la société de conseil ; ce droit devait continuer à être respecté, faute pour l’associé majoritaire d’apporter la preuve d’un détournement par la société de conseil de la finalité de l’exercice de ce droit et notamment de son exercice dans l’intention de lui nuire.
A noter : Dans sa décision, la cour de Paris a relevé que la durée stipulée dans un pacte, qui fait référence à la durée de la société affectée du terme d’un nombre d’années déterminé, établit que les parties ont entendu appliquer un terme précis à leurs engagements au titre du pacte et que la prorogation éventuelle de la société ne pourrait avoir pour effet d’entraîner la prorogation du pacte dès lors que les parties ne l’ont pas expressément prévu. Elle a ajouté que la durée de 99 ans n’apparaît pas excessive s’agissant d’actionnaires personnes morales et que prévoir une telle durée dans ce cas ne contrevient pas à la prohibition des engagements perpétuels.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 69111