Recruté dans le cadre d’un contrat d’été, du 1er juillet au 31 août, et ne s’étant pas vu remettre de contrat écrit, un salarié demande au conseil de prud’hommes :
- la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
- des dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;
- des dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail.
La cour d’appel fait droit à sa première demande, mais rejette les deux autres. Certes, du fait des circonstances - CDD requalifié en CDI -, la procédure de licenciement n’a pas été respectée et, faute de lettre de licenciement, celui-ci est sans cause réelle et sérieuse. Toutefois, le salarié ne justifie d’aucun préjudice ni du fait de la méconnaissance de la procédure du licenciement, ni du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture.
La chambre sociale de la Cour de cassation approuve l’arrêt de la cour d’appel s’agissant de l’irrégularité de procédure, mais le censure sur la rupture abusive.
Une irrégularité de procédure n’entraîne pas nécessairement de préjudice pour le salarié...
Le salarié faisait valoir que toute irrégularité de la procédure de licenciement entraîne un préjudice que l’employeur doit réparer et qu’il appartient au juge d’évaluer.
Son pourvoi est rejeté. Pour la Cour de cassation, le principe est clair : l’existence d’un préjudice, d'abord, et l’évaluation de celui-ci, ensuite, relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Or, en l'espèce, la cour d'appel avait estimé que l'intéressé ne justifiait d'aucun préjudice.
A noter : la chambre sociale confirme une fois encore son abandon de la notion de préjudice nécessaire et sa volonté de revenir à une application plus stricte et plus rigoureuse des principes de la responsabilité civile (pour la première fois : Cass. soc. 13-4- 2016 n° 14-28.293 FS-PBR : RJS 6/16 no 423). Elle a, en particulier, abandonné cette notion en cas de défaut de mention de la convention collective applicable sur les bulletins de paie (Cass. soc. 17-5-2016 n° 14-21.872 F-D), de stipulation d’une clause de non-concurrence illicite (Cass. soc. 25-5- 2016 n° 14-20.578 F-PB : RJS 7/16 no 557), ou en cas d’inobservation des règles de forme du licenciement (Cass. soc. 30-6-2016 n° 15-16.066 F-D: RJS 10/16 n° 622).
Enpratique : il appartient désormais d’une part au salarié de préciser au juge en quoi le non-respect de la procédure de licenciement lui a causé un préjudice, d’autre part aux juges du fond d’apprécier souverainement l’existence du préjudice allégué, et, le cas échéant, de l’évaluer.
...mais la perte injustifiée de son emploi, oui
Pour rejeter la demande de dommages-intérêts du salarié pour rupture abusive de son contrat de travail, la cour d’appel avait retenu qu'il avait toujours su qu’il était embauché pour l’été, qu’il ne contestait pas que son contrat était allé au terme convenu et qu’il ne justifiait d’aucun préjudice.
A tort pour la Cour de cassation. Pour elle, il résulte de l’article L 1235-5 du Code du travail que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient aujuged’apprécier l’étendue.
A noter : comme attendu, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation sur l'abandon de la notion de préjudice nécessaire n'a pas une portée illimitée et supporte des exceptions.
S'agissant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour considère sans doute que, dès lors que le législateur a expressément prévu une indemnisation dont les modalités diffèrent selon l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise, c’est que la perte injustifiée de l’emploi cause à celui-ci nécessairement un préjudice dont les juges du fond doivent, lorsque le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté ou que l’entreprise a moins de 11 salariés, apprécier l’étendue.
On signalera enfin que, une fois l'ordonnance no 3 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail entrée en vigueur, la liberté d'appréciation du juge sera limitée : en l'espèce, par exemple, en application du barème prévu par le projet d'ordonnance, le juge n'aurait pu attribuer au salarié qu'un mois de salaire au maximum.
Pour en savoir plus sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse : voir Mémento Social nos 48700 s.