Béatrice Hingand, rédactrice en chef adjoint de la rédaction fiscale des Editions Francis Lefebvre, revient sur le prélèvement à la source dans une vidéo dont nous reproduisons ici le contenu.
Le projet de loi sur le prélèvement à la source va être débattu au Parlement cet automne. Pouvez-vous nous éclairer sur la mécanique générale de ce nouveau système de recouvrement de l’impôt ?
Béatrice Hingand : La logique du prélèvement à la source c'est de faire coïncider le paiement de l'impôt sur le revenu avec le moment où vous percevez votre revenu. Le principal avantage est qu'en cas de baisse de revenu, vous payez un impôt correspondant à votre revenu actuel et non plus à votre revenu passé, que vous perceviez avant la baisse.
Concrètement, qui est concerné par ce prélèvement et comment va-t-il s’appliquer ?
B. H. : Ce nouveau mécanisme va concerner tout le monde à partir du 1er janvier 2018 et va prendre deux formes :
- une retenue à la source : ce sera le cas pour les salariés et les retraités qui percevront tous les mois des salaires et des pensions nets de cette retenue qui sera pratiquée par l'employeur ou par la caisse de retraite ;
- à côté de cette retenue à la source, il y aura un acompte qui concernera cette fois les travailleurs non salariés (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, bénéfices agricoles) mais également toutes les personnes qui perçoivent notamment des revenus fonciers ou des pensions alimentaires. L’acompte sera prélevé directement sur leur compte bancaire.
Comme les contribuables vont s’acquitter de l’impôt au fur et à mesure de l’année, en partie sur des revenus courants, la gestion de l’impôt devrait être plus simple pour chacun…
B. H. : Pour les contribuables qui disposent uniquement de revenus salariaux ou d’une retraite, les choses seront relativement simples en effet, et encore…
En revanche, il faut avoir en tête que la déclaration annuelle des revenus que nous connaissons aujourd'hui va perdurer.
Concrètement, pourquoi cette déclaration ?
B. H. : D'abord parce que tous les revenus ne sont pas concernés par le prélèvement à la source : les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values mobilières ne sont pas intégrés au nouveau système. Or, il faut bien à un moment ou à un autre qu'ils soient fiscalisés.
Ensuite, je vous ai dit que le système fera coïncider le prélèvement à la source avec le moment où le revenu est perçu. L'assiette du prélèvement sera effectivement actuelle pour les salariés et les retraités mais pas pour les travailleurs non salariés qui paieront un acompte calculé sur un bénéfice historique. Et surtout, le taux du prélèvement qui s’appliquera sera déterminé par l'administration fiscale à partir des revenus et de votre situation fiscale passés.
Donc, on est loin d’un système de paiement de l’impôt déterminé en temps réel.
Dernière chose et non des moindres, les réductions et crédits d’impôt ne sont pas pris en compte dans la détermination du taux du prélèvement.
Mais alors, si je vous suis, les revenus seront fiscalisés au fil de l’eau à partir de 2018 sur la base en partie d’une situation fiscale passée. Sera-t-il possible de moduler le prélèvement en cours d’année et, si oui, dans quels cas ?
B. H. : Le prélèvement sera effectivement modulable et les motifs de modulation en cours d’année sont nombreux. Ce qui rend le système à la fois plus juste et adapté à la situation de chacun et en fait en même temps une mécanique complexe.
Pour les changements de situation (mariage, Pacs décès, divorce, rupture de Pacs), le taux du prélèvement sera ajusté après déclaration d’un événement même en cours d’année. Vous pourrez également opter pour l’individualisationdu taux en cas d’imposition commune avec votre conjoint ou encore opter pour un taux neutre qui ne divulgue pas votre taux réel d’imposition.
Pour les ajustements du prélèvement en fonction de la hausse ou de la baisse des revenus, je rappelle que c’est un non-sujet pour les salariés et les retraités pour qui la retenue à la source est calculée sur le revenu courant. La retenue suit la variation du revenu.
En revanche, pour les non-salariés et pour les revenus fonciers, pour lesquels l’acompte est calculé sur une assiette historique, l’ajustement est possible pour tenir compte de la réalité du revenu, en particulier lorsqu’il diminue.
Attention, on aura le droit d’ajuster son prélèvement mais assez peu celui de se tromper dans ses ajustements. Une pénalité pouvant allez jusqu’à la moitié de l’impôt manquant pourrait alors s’appliquer.
Le prélèvement à la source devrait s’appliquer à compter du 1er janvier 2018. Comment alors vont être traités les revenus de 2017 ?
B. H. : C’est la fameuse question de l’année blanche, cette année de transition avant l’entrée en application du prélèvement à la source.
Le Gouvernement n’a pas retenu la piste de l’exonération totale d’impôt pour les revenus de l’année 2017. A tort ou à raison, on a craint les comportements d’opportunité dans la perception des revenus et dans l’engagement des dépenses ouvrant droit à réduction et crédit d’impôt.
Pour fiscaliser l’année 2017, on va distinguer les revenus non exceptionnels et les revenus exceptionnels c’est-à-dire ceux qui ne sont pas susceptibles d’être recueillis chaque année. Donc, pas d’année blanche à proprement parler mais rassurez-vous, vous ne supporterez pas pour autant en 2018 deux années d’impôt : le prélèvement à la source plus l’impôt sur les revenus de 2017. Il y aura en 2018 un crédit d’impôt correspondant à l’impôt calculé sur les revenus non exceptionnels de 2017.
Si j’ai bien compris, seuls les revenus exceptionnels de 2017 vont être fiscalisés en 2018 ?
B. H. : Tout à fait, et pour la simple et bonne raison qu’ils ne sont pas susceptibles de se renouveler. Ils seront fiscalisés en 2018 en plus du prélèvement que vous aurez acquitté en 2018.
Les débats s’annoncent nourris sur le périmètre de ces revenus exceptionnels qui relèvent d’une définition spécifique pour chaque catégorie de revenu : les salaires, les bénéfices, les revenus fonciers et les revenus des dirigeants (voir tableau ci-dessous).
Vous l’aurez compris, la complexité du prélèvement à source conduit à relativiser fortement sa pertinence.
Propos recueillis par Philippe TIXIER
Catégorie de revenus | Revenus déclarés en 2017 et dont l’imposition ouvre droit au CIMR (Revenus considérés comme non exceptionnels) | Revenus déclarés en 2017 dont l’imposition n’ouvre pas droit au CIMR (Revenus considérés comme exceptionnels) |
Salaires (hors salaires des dirigeants), traitements et revenus assimilés Pensions de retraites Pension alimentaires Rentes viagères | Montants nets imposables des revenus concernés qui ne sont pas considérés comme exceptionnels | Indemnités de licenciement, de cessation de fonction des mandataires sociaux, de clientèle, pour changement de résidence ou de lieu de travail Allocations servies en cas de conversion, réinsertion, reprise d’activité professionnelle Prestations de retraite servie sous forme de capital Sommes reçues au titre de la participation non affectée à un plan d’épargne entreprise (PEE) Monétisation des comptes-épargne temps Gratifications de toute nature non prévues par le contrat de travail Revenus correspondant à des périodes de rémunération autre que 2017 Tout autre revenu non susceptible d’être recueilli annuellement |
Revenus des dirigeants (salaires et revenus de l’article 62 du CGI) | Montant des revenus 2017 entrant dans le champ du prélèvement, retenus pour le plus faible des montants suivants : montant net imposable pour 2017 et montant le plus élevé des mêmes revenus pour 2014, 2015 et 2016 | Revenus 2017 excédant la fraction considérée comme non-exceptionnelle |
Revenus fonciers | Montant net imposable retenu en proportion de la part des recettes foncières afférente à la seule année 2017 sur le total des recettes foncières encaissées en 2017 | Revenus 2017 excédant la fraction considérée comme non exceptionnelle et, le cas échéant, réintégrations pour rupture des engagements prévus par certains dispositifs (Périssol, Besson, Robien, Borloo, Conventionnement ANAH (Borloo ancien), zones de revitalisation rurale, mobilité professionnelle du bailleur) |
Titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles | Montant des revenus 2017 entrant dans le champ du prélèvement, retenus pour le plus faible des montants suivants : montant net imposable pour 2017 avant abattements pour entreprises nouvelles et montant le plus élevé des mêmes revenus pour 2014, 2015 et 2016 | Revenus 2017 excédant la fraction considérée comme non exceptionnelle |