Un bail commercial antérieur à la loi Pinel prévoyait que le locataire devrait rembourser au bailleur, en même temps que chaque terme de loyer, sa part de charges locatives et certaines taxes, dont la taxe foncière. A la suite de la résiliation du bail, le bailleur poursuit le locataire en paiement de divers arriérés de charges. Le locataire refuse de payer, soutenant que la créance du bailleur en remboursement de dépenses au titre des charges et impôts n’est pas établie ; il demande en outre au bailleur la restitution des provisions versées à ce titre. Le bailleur soutient alors qu’il incombe à celui qui réclame la restitution de sommes qu’il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement et donc d’établir que les charges et taxes s’ajoutant au loyer n’étaient pas dues.
La Cour de cassation rejette ces derniers arguments. Il incombe au bailleur qui réclame au locataire de lui rembourser, conformément au contrat de bail commercial le prévoyant, un ensemble de dépenses et de taxes d’établir sa créance en démontrant l’existence et le montant de ces charges. Par suite, le bailleur devait, pour conserver, en les affectant à sa créance de remboursement, les sommes versées au titre des provisions pour charges et taxes foncières, justifier le montant des dépenses et, faute d’y satisfaire, il devait restituer au locataire les sommes versées au titre des provisions.
A noter : En matière de bail commercial, jusqu'à la loi 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel », les droits et obligations des parties en matière de charges locatives ne faisaient l'objet d'aucune réglementation spécifique. Le contrat de bail devait organiser les modalités de paiement des charges, et les parties étaient libres de prévoir un système de provision sur charges donnant lieu à une régularisation sur une période déterminée (le plus souvent annuelle).
Lorsque l’imputation des charges au locataire est organisée suivant le système dit « au forfait », les parties conviennent d’un montant global et définitif de charges qui n’est pas susceptible de variation en fonction des dépenses réellement engagées par le bailleur. En ce cas, le bailleur est dispensé de « justifier des prestations effectivement payées » (Cass. 3e civ. 8-3-2005 n° 04-11.047 F-D : RJDA 6/05 n° 659).
Au cas particulier, le bail prévoyait le paiement mensuel par le locataire de provisions de charges dont le bailleur devait justifier chaque année. Dans un tel cas, il appartient au bailleur de prouver les dépenses exposées et leur montant, même lorsque c’est le locataire qui réclame le remboursement des provisions, juge la Cour de cassation dans l’arrêt ci-dessus. En effet, les provisions versées lors des échéances mensuelles par le locataire ne constituent pas un règlement forfaitaire de ces charges, mais une simple avance à valoir sur le montant des dépenses qui seront effectivement acquittées par le bailleur, une régularisation annuelle devant intervenir pour déterminer la quote-part définitive de ces charges supportée par le locataire.
Lorsque le bailleur ne justifie pas des charges qu’il a supportées, la preuve de l’existence et du montant de sa créance sur le locataire fait défaut. Les versements provisionnels effectués par le locataire sont alors dépourvus de cause, puisqu’ils constituent un acompte sur le règlement d’une créance dont l’existence n'est pas établie. N’étaient donc pas applicables les règles sur la répétition de l’indu selon lesquelles celui qui exerce l’action en répétition, le locataire en l’espèce, doit prouver l’absence de dette (Cass. 1e civ. 4-7-1995 n° 93-20.174 P : RJDA 11/95 n° 1201). Il a déjà été jugé que l'absence de régularisation des charges dans les conditions prévues dans un bail commercial rend sans cause les appels trimestriels de provisions à valoir sur le paiement de charges, dont le locataire peut dès lors obtenir remboursement (Cass. 3e civ. 5-11-2014 n° 13-24.451 FS-PB : RJDA 4/15 n° 239 ; Cass. 3e civ. 9-6-2015 n° 14-13.555 F-D).
Pour les baux commerciaux conclus depuis le 5 novembre 2014, date d'entrée en vigueur du décret d'application de la loi Pinel, les modalités de régularisation des charges sont désormais fixées. Le bailleur doit établir un état récapitulatif annuel faisant inventaire des charges dont il peut demander le remboursement au locataire et le communiquer à celui-ci au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l’exercice annuel. L'état récapitulatif annuel inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges. Le bailleur doit en outre communiquer au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci (C. com. art. L 145-40-2 et R 145-36).
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