La prise d'acte de la rupture n'ouvre pas droit à réintégration
La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié protégé peut produire les effets d’un licenciement nul pour défaut d’autorisation administrative si les faits reprochés à l’employeur justifiaient cette rupture. Mais elle n'emporte pas toutes les conséquences d'un licenciement nul.
En effet, la prise d'acte de la rupture entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et ne peut pas être rétractée (Cass. soc. 14-10-2009 n° 08 42.878). La Cour de cassation en a tiré la conséquence que le salarié protégé dont la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul ne peut pas se prévaloir de cette nullité pour demander sa réintégration dans l’entreprise (Cass. soc. 29-5-2013 nos 12 15.974 et 12-11.756). Seule une action en indemnisation est ouverte à l'intéressé.
A notre avis :
La même solution a vocation à s'appliquer, à notre sens, dans tous les cas de prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement nul, notamment lorsqu'elle résulte d'un comportement discriminatoire de l'employeur ou du harcèlement subi par le salarié.
Il peut être mis fin à une réintégration prononcée à tort
Dans cette affaire, la Cour de cassation avait cassé un arrêt de cour d’appel ayant fait droit à la demande de réintégration d’un salarié. Après cet arrêt de cassation, l’employeur avait mis fin à la réintégration du salarié, sans autre procédure. Le salarié avait alors formé une autre demande devant le juge de renvoi en soutenant que l’employeur l’ayant réintégré en exécution de la décision par la suite cassée, un nouveau contrat de travail était né auquel l’employeur ne pouvait mettre fin que par un licenciement.
La cour de renvoi n’a pas suivi cette analyse. La Cour de cassation l'approuve : la réintégration du salarié en exécution d'une décision judiciaire n'a pas pour effet de créer de nouvelles relations contractuelles entre les parties de sorte qu’après annulation de cette décision l’employeur est fondé à considérer qu’il a été mis fin aux fonctions du salarié sans qu’il soit besoin d’une procédure de licenciement.
A notre avis :
L’analyse du salarié n’était pas convaincante. Elle reposait sur un raisonnement paradoxal consistant à dire : puisque la prise d’acte ne peut pas être rétractée, mon contrat de travail a nécessairement pris fin par cette prise d’acte, de sorte qu’en ordonnant ma réintégration, la cour d’appel a nécessairement fait naître un second contrat. Or, c’est précisément pour avoir admis, à tort, une forme de rétractation, que la cour d’appel a ordonné la réintégration. En d’autres termes, c’est bien la poursuite du contrat d’origine qu’elle a ordonnée et c’est bien à cette poursuite que l’employeur s’est plié et que l’arrêt de cassation a mis fin.
Laurence MECHIN
Pour en savoir plus : voir Mémento social no 63470.