Le statut des baux commerciaux s'applique « aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre (C. com. art. L 145-1, I) :
1. Aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal (...) ;
2. Aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées (...) des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire ».
Le locataire d'un terrain nu, sur lequel il a été autorisé à édifier des constructions, se voit opposer un refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction par le propriétaire, qui invoque le défaut d'immatriculation au RCS de l'établissement secondaire exploité sur ce terrain. Le locataire demande l'annulation du congé, soutenant que l'application du statut des baux commerciaux au bail d'un terrain nu n'est pas soumise à la condition d'immatriculation, l'article L 145-1, I-2° du Code de commerce étant, selon lui, autonome par rapport au premier alinéa de ce texte.
La Cour de cassation écarte cet argument : le locataire d'un terrain nu sur lequel sont édifiées des constructions ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux que s'il remplit les conditions exigées au premier alinéa de l'article L 145-1, tenant à son immatriculation et à l'exploitation d'un fonds. Faute de respect de ces conditions au moment de la délivrance du congé, il n'a pas droit à une indemnité d'éviction.
A noter : L'immatriculation du locataire au RCS puis l'inscription des locaux dans lesquels est exploité un fonds de commerce ou une entreprise artisanale sont nécessaires pour pouvoir bénéficier du statut des baux commerciaux et s'apprécient au jour du congé (Cass. 1e civ. 30-1-2002 n° 00-15.393 F-D : RJDA 4/02 n° 360).
Est exigée une immatriculation de chaque local, dès lors qu’il est le siège d’un établissement, même secondaire (Cass. 3e civ. 13-10-1999 n° 97-22.258 F-D : RJDA 12/99 n° 1302). A défaut d’immatriculation secondaire, le local est exclu du statut des baux commerciaux, peu important que le bailleur ait eu connaissance de l’existence d’un établissement dans les lieux loués.
Pour soutenir qu'une telle immatriculation n'était pas applicable au bail portant sur un terrain nu, le locataire se prévalait cependant de la rédaction de l'article L 145-1, I du Code de commerce, qu'il interprétait comme étendant le bénéfice du statut à ce type de baux de manière autonome par rapport aux quatre conditions cumulatives posées par l'article L 145-1, I-al. 1 (un bail, un immeuble ou un local, l'immatriculation du locataire, l'exploitation d'un fonds). La Cour de cassation écarte cette argumentation.
L’immatriculation avait déjà été considérée comme une condition d’application du statut pour les baux portant sur des terrains nus dans plusieurs arrêts (Cass. 3e civ. 2-6-1999 n°97-18.409 : Bull. civ. III n° 125 ; Cass. 3e civ. 9-6-2016 n° 15-15.416 F-D), mais la question n'avait jamais été posée de manière directe. C'est la première fois à notre connaissance que la Cour de cassation affirme donc ce principe aussi clairement.
Le statut des baux commerciaux a pour objectif la protection du fonds de commerce exploité dans les lieux loués. Aucune raison ne justifie que le locataire d’un terrain nu bénéficie du statut des baux commerciaux sans remplir les conditions générales qui s’imposent au locataire d’un local commercial. La locution « en outre » de l’article L 145-1, I tend seulement à inclure dans le champ d’application du statut les baux portant sur les locaux accessoires et les terrains nus, ce qui nécessitait une disposition spécifique à défaut d’exploitation d’un fonds de commerce dans les lieux loués pour les premiers et de local pour les seconds. Il s’agissait donc seulement d’étendre les biens pouvant faire l’objet d’un bail commercial, sans modifier les conditions générales d’application du statut.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 4069 s.