1. Prise par la loi de finances pour 2017 (Loi 2016-1917 du 29-12-201 art. 60), la décision de passer au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2018 s'est accompagnée de la mise en place d’un crédit d’impôt exceptionnel destiné à éviter qu’en 2018 les contribuables acquittent à la fois le prélèvement sur leurs revenus contemporains et les impositions dues au titre de leurs revenus de 2017. Ce crédit d’impôt, appelé « crédit d’impôt modernisation du recouvrement » ou CIMR, d’un montant égal à l’imposition des revenus courants de l’année 2017 (qualifiée, de ce fait, d’« année blanche »), a été encadré par différentes mesures destinées à en empêcher l’optimisation et à maintenir l’attractivité de certaines mesures fiscales incitatives.
Le report, désormais officiel (voir La Quotidienne du 8 juin 2017), de l’ensemble de ce dispositif au 1er janvier 2019 ne modifie pas seulement le calendrier de la réforme mais devrait nécessairement impacter l’impôt dont les contribuables auront à s’acquitter au titre de leurs revenus des années 2017 et 2018.
L’impôt sur les revenus de 2017 devrait être intégralement mis en recouvrement en 2018
2. L’annonce du maintien en 2018 de modalités d’imposition des revenus inchangées par rapport à celles de 2017 et du report d’un an des dispositifs relatifs à l’année de transition devrait finalement conduire à imposer les revenus de l’année 2017 selon les règles de droit commun. Par ailleurs, le report des mesures relatives à l’année de transition, parmi lesquelles figure le CIMR, devrait logiquement conduire à appliquer ce crédit d’impôt exceptionnel non plus à l’imposition des revenus courant de 2017, mais à celle des revenus de l’année 2018 afin que les contribuables n’aient pas à acquitter en 2019 à la fois le prélèvement à la source qui devrait être mis en place sur leurs revenus contemporains et l’imposition de leurs revenus 2018. Dans ces conditions, et contrairement à ce qui était prévu par l’article 60 de la loi de finances pour 2017, l’administration fiscale procéderait en 2018 au recouvrement de l’impôt et des prélèvements sociaux afférents à l’intégralité des revenus de l’année 2017.
Les régimes d'acomptes provisionnels et de prélèvement mensuel devraient être rétablis en 2018
3. Les revenus perçus à compter du 1er janvier 2018 ne devant finalement faire l’objet d’aucun prélèvement à la source et l’imposition des revenus perçus en 2017 devant être intégralement recouvrée, les régimes des acomptes provisionnels et/ou de la mensualisation devraient logiquement être rétablis en 2018 afin d’en permettre le règlement, le risque d’un double paiement se trouvant, de fait, désormais écarté.
Le montant des acomptes ou des prélèvements mensuels à acquitter devraient donc être déterminé, conformément au droit commun actuel, d’après les montants d’impositions calculés en 2017 sur les revenus de l’année 2016. Les options pour le paiement mensuel de l'impôt en vigueur en 2017 ou exercées au cours de cette même année devraient être tacitement reconduites pour 2018. De même, la possibilité d'opter ou de résilier l'option pour ce régime en cours d'année 2018 devrait être maintenue s'agissant du paiement de l'impôt afférent aux revenus 2017. En revanche, le report du prélèvement à la source ne modifierait pas les obligations déclaratives des contribuables dès lors qu’en tout état de cause sa mise en place au 1er janvier 2018 maintenait l’actuelle obligation de déposer en N +1 la déclaration des revenus perçus en N. Toutefois, la ventilation des revenus déclarés entre revenus courants et revenus exceptionnels, prévue pour la détermination de l’assiette du CIMR et à laquelle les contribuables auraient eu à procéder sur leurs déclarations des revenus de l’année 2017, devrait désormais être effectuée sur la déclaration des revenus perçus en 2018 qu’ils auront à souscrire en 2019.
L'année 2019 deviendrait l'année de transition vers le prélèvement à la source
4. Le dispositif relatif à l’année de transition s’entend principalement du CIMR. Son report d’un an conduirait, ainsi qu’il a été dit, au rétablissement du recouvrement de l’intégralité des impositions afférentes aux revenus de l’année 2017 mais, également, à la neutralisation des impositions afférentes aux revenus courants de l’année 2018. Dès lors, seule l’imposition des revenus exceptionnels de 2018 serait recouvrée en 2019. Cependant, dans les faits, ce report revient à rétablir une taxation initialement annoncée comme étant supprimée, ce qui a pu d’ores et déjà conduire les contribuables et les employeurs à adapter leurs comportements s’agissant du versement et de la perception de revenus éligibles au crédit d’impôt au cours de la première moitié de l’année 2017. La question de la validité de ce report peut donc être posée dès lors que le Conseil constitutionnel reconnaît de manière constante, sauf motif d’intérêt général suffisant, une protection des situations légalement acquises et des effets qui peuvent en être légitimement attendus (Cons. const. 19-12-2013 n° 2013-682 DC).
A notre avis : la loi de finances pour 2017 (Loi 2016-1917 du 29-12-2016 art. 82-I, B) prévoit qu’à compter de 2018 les contribuables percevront au plus tard le 1er mars de l’année un acompte de 30 % sur le montant des crédits d’impôt afférents aux frais de services à la personne et de garde d’enfants. Cette mesure, instituée pour atténuer les effets de l’absence de prise en compte des réductions d’impôt dans la détermination du taux de prélèvement à la source, devrait également voir son entrée en vigueur reportée, faute d’utilité pratique en 2018.
Le report de certaines mesures de transition suscite des interrogations
5. Afin d’éviter l’optimisation consistant à éviter d’engager des travaux déductibles des revenus fonciers en 2017, cette déduction devant être dépourvue d’impact financier en raison de la neutralisation de l’imposition finale par le CIMR, la loi de finances pour 2017 a notamment prévu que les dépenses de travaux payées et déduites des revenus fonciers de 2017 ouvriraient également droit, à hauteur de 50 % de leur montant, à une déduction exceptionnelle des revenus fonciers de 2018 quand bien même aucune dépense de travaux n’aurait été engagée en 2018. Un système analogue est prévu pour les dépenses de travaux des copropriétés.
Or, le report d’un an de ce dispositif devrait finalement conduire à ce que les dépenses déjà payées en 2017 ne procurent plus l’avantage initialement annoncé pour 2018. De même que pour celui du CIMR, la question de la validité du report de ces mesures incitatives peut donc être posée. En effet, outre la protection constitutionnelle des situations légalement acquises et des effets qui peuvent être légitimement attendus de telles situations, le Conseil d’Etat a déjà sanctionné, pour atteinte au principe d’espérance légitime, la suppression d’un crédit d’impôt incitatif (CE plén. 9-5-2012 n° 308996).
David KERSALE
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