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Responsabilité de l'Etat en cas d'erreur du greffe sur l'identification d'une société

La responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux de la justice est engagée si le greffier commet une erreur au Bodacc laissant croire qu’est en liquidation judiciaire une société qui ne l'est pas et lui cause ainsi un dommage important.

Cass. 1e civ. 2-9-2020 n° 19-19.098 F-D


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Un tribunal judiciaire prononce la liquidation judiciaire d’une SCI à la demande d’une société créancière. Dans l'avis publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) un 18 mai, le greffe du tribunal mentionne par erreur le numéro d'immatriculation de la société créancière et non celui de la SCI. Alerté par le greffe, le Bodacc publie un avis rectificatif les 2 et 3 juin et la société créancière met en demeure des diffuseurs de cesser de relayer l'information erronée de son placement en liquidation judiciaire. Les 17 octobre et 12 novembre, elle licencie pour motif économique trois de ses salariés, puis elle est placée en liquidation judiciaire en mai de l'année suivante. Les trois salariés poursuivent alors l'Etat en réparation du préjudice causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, sur le fondement de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, invoquant une faute lourde commise par le greffe.

La cour d’appel de Paris rejette la demande, jugeant que la faute lourde n'est pas établie : l'erreur commise par le greffe sur le numéro de RCS dans l'avis de publication de la liquidation de la SCI était limitée à un seul élément d'identification de la société et la confrontation avec les autres éléments permettait de se rendre compte que l'avis ne concernait pas la société créancière ; la société Infolegale, qui a mis en place un système de contrôle innovant permettant de détecter les anomalies fréquentes au Bodacc, n'avait pas commis d'erreur sur l'identité de la société objet de la liquidation judiciaire car elle avait vérifié la concordance entre le Siren et les coordonnées de la société citée ; une fois informé de l'erreur commise, le greffe avait agi avec célérité pour faire publier un avis rectificatif.

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation. La responsabilité de l’Etat en réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice est engagée par une faute lourde ou un déni de justice. Constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi. Pour apprécier l’existence d’une faute lourde, la cour d'appel aurait dû prendre en considération l'importance des conséquences dommageables de l'erreur commise par le greffe du tribunal, garant de l'exactitude des informations communiquées au public.

A noter : Constitue une faute lourde au sens de l’article L 141-1 du Code de l’organisation judiciaire toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi (Cass. ass. plén. 23-2-2001 n° 99-16.165 : Bull. civ. I n° 5 ; Cass. 1e civ. 6-5-2003 n° 01-02.543 PB : Bull. civ. I n° 105). L'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué (Cass. 1e civ. 8-10-2008 n° 07-15.497 F-D ; Cass. 1e civ. 11-1-2005 n° 02-15.444 : Bull. civ. I n° 120 ; Cass. 1e civ. 6-5-2003 n° 01-02.543 : Bull. civ. I n° 105).

Dans l’arrêt ci-dessus, la Haute Juridiction précise, s’agissant d’une erreur commise par le greffe du tribunal judiciaire, qui est le garant de l’exactitude des informations communiquées, qu’il faut prendre en compte l’importance des conséquences dommageables de celle-ci. Au cas particulier, même si l’erreur ne concernait qu’un élément d’identification de la société (le numéro au registre du commerce) et même si un avis rectificatif avait été rapidement publié, les salariés faisaient valoir qu'elle avait eu des conséquences désastreuses sur la santé financière de la société, qui avait peu à peu perdu la confiance de ses partenaires et avait finalement été mise réellement en liquidation judiciaire.

La solution aurait été la même pour un greffier du tribunal de commerce, même si celui-ci est un officier ministériel titulaire de sa charge.

Sophie CLAUDE-FENDT

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