Des précisions sur le point de départ du délai pour agir en responsabilité contre un expert-comptable (cinq ans depuis la loi du 17-6-2008 réformant le régime de la prescription, dix ans auparavant) ont été apportées à l'occasion des deux affaires suivantes, où les sociétés clientes de l'expert avaient confié à celui-ci la mission d'établir leurs déclarations fiscales et où, à la suite d'un redressement, elles reprochaient à l'expert un manquement dans l'exécution de cette mission.
1. Dans la première affaire, une cour d'appel avait déclaré l'action prescrite car engagée plus de dix ans après la date de réalisation du dommage qui, selon la cour, correspondait à la date de la notification du redressement adressée à la société.
La Cour de cassation censure cet arrêt en rappelant une solution qu'elle avait déjà dégagée (Cass. com. 5-7-2016 n° 14-28.882 F-D : BRDA 17/16 inf. 21) : la notification de redressement est le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration fiscale peut ne mettre en recouvrement aucune imposition, de sorte que, à la date de cette notification, le dommage de la société consistant dans des impositions supplémentaires mises à sa charge à raison des manquements supposés de l'expert-comptable n'était pas réalisé.
La Cour en déduit que l'action en responsabilité, engagée moins de dix ans après le jugement du tribunal administratif ayant rejeté le recours formé par la société contre la décision de redressement, n'était pas prescrite.
2. Dans la seconde affaire, le redressement fiscal portait sur la TVA à laquelle l'expert-comptable avait estimé que la société n'était pas assujettie. L'expert-comptable faisait valoir que le dommage invoqué s'était manifesté le jour où la société avait reçu l'avis de mise en recouvrement rendant immédiatement exigible cette taxe et que l'action, engagée plus de cinq ans après cet avis, était prescrite.
Cet argument est écarté : la société avait contesté la dette de TVA en introduisant un recours contentieux dont le sort n'a été définitivement connu que le jour où la cour administrative d'appel a rendu l'arrêt rejetant ce recours. L'action ayant été engagée moins de cinq ans après cet arrêt, elle était recevable.
A noter : ces décisions précisent quel événement en l'espèce ne constitue pas le point de départ de la prescription (la notification de redressement dans un cas, l'avis de mise en recouvrement dans l'autre). Il en résulte également que le point de départ, fixé au jour où le dommage est définitivement réalisé, correspond au jour où le recours contentieux de la société a été rejeté.
La question se pose de savoir quelle date retenir lorsque, contrairement aux deux sociétés ci-dessus, le client ne conteste pas le redressement devant le juge administratif. A notre avis, cette date est celle à laquelle expire le délai prévu pour former le recours contentieux car le dommage est alors réalisé, la dette du client à l'égard de l'administration fiscale devenant certaine.