Rupture conventionnelle : montant légal ou conventionnel de l'indemnité de licenciement ?
Cass. soc. 5-5-2021 n° 19-24.650 FS-P, Sté Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées c/ C.
Une salariée et son employeur signent une rupture conventionnelle. Au moment de la rupture, la salariée perçoit une indemnité spécifique de rupture calculée par référence à l’indemnité légale de licenciement. Réclamant une somme équivalente à l’indemnité conventionnelle de licenciement, l’intéressée saisit le juge prud’homal, qui lui donne raison.
Une entreprise soumise à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008
Premier point vérifié par les juges : l’employeur, appartenant au groupe Caisse d’épargne, était soumis à l’avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008. En effet, seuls les employeurs des branches d'activité représentées par les organisations patronales signataires de cet avenant (Medef, CGPME et U2P) doivent verser au salarié avec qui ils concluent une rupture conventionnelle une indemnité de rupture spécifique au moins égale à l'indemnité conventionnelle de licenciement. Toutefois, l’indemnité conventionnelle n’est due que si elle est plus favorable au salarié que l'indemnité légale. C’est précisément sur ce point de la détermination de l’indemnité de licenciement à prendre en compte que les parties étaient en désaccord.
A noter :
Seuls les employeurs des branches d'activité non représentées par le Medef, la CGPME ou l'U2P continuent à échapper à cette obligation. Sont seulement tenues de verser une indemnité au moins égale à l’indemnité légale de licenciement les entreprises relevant, par exemple, du secteur de l’audiovisuel (Cass. soc. 27-6-2018 n° 17-15.948 F-D) ou de l’édition (CA Nancy 30-8-2017 n° 16-02668).
Un accord collectif réservant l’indemnité conventionnelle à certains motifs de rupture
L’accord collectif applicable aux salariés du groupe prévoyait le versement d’une indemnité conventionnelle de licenciement, plus favorable que l’indemnité légale, uniquement en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour motif économique. Dans tous les autres cas, le salarié ne pouvait prétendre qu’à l’indemnité légale de licenciement.
A noter :
L’accord avait été conclu avant l’entrée en vigueur de la loi 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, qui a fixé un montant unique pour l’indemnité légale de licenciement, quel que soit le motif de la rupture. Avant cette date, le Code du travail distinguait selon que le licenciement était prononcé pour un motif personnel ou un motif économique, et prévoyait un montant plus favorable dans ce dernier cas.
L’employeur estimait que les stipulations de l’accord collectif devaient être interprétées strictement, et que le versement de l’indemnité conventionnelle devait être réservé aux cas strictement définis par ce texte. En dehors de ces hypothèses – insuffisance professionnelle et motif économique – et donc, en particulier, en cas de rupture conventionnelle homologuée, il convenait donc selon lui d’appliquer à la lettre les stipulations conventionnelles et de verser une indemnité « au moins égale à l’indemnité légale de licenciement ».
L’argument est écarté par la Cour de cassation : dès lors que la convention ou l’accord collectif applicable prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale, celle-ci doit être versée au salarié. Il importe donc peu que le texte conventionnel réserve le versement de l’indemnité de licenciement qu’il prévoit à certains motifs. La solution est retenue à propos d’un accord réservant le versement de cette indemnité à certains motifs de rupture, mais au vu de la généralité des termes employés par la Cour, on peut supposer qu’elle s’appliquerait également lorsque le versement de l’indemnité plus favorable est conditionné, par exemple, à un critère d’ancienneté ou à l’appartenance à une catégorie professionnelle. La solution est logique. En effet, le renvoi, pour la détermination de l’indemnité à verser au titre de la rupture conventionnelle, à l’article L 1234-9 du Code du travail (C. trav. art. L 1237-13 al. 1) ou aux dispositions conventionnelles (ANI du 11-1-2008) ne concerne que le montant de l’indemnité de licenciement, qu’il s’agisse de l’indemnité légale ou conventionnelle, et non pas les cas dans lesquelles cette dernière doit être versée.
A noter :
L’administration considère que lorsque la convention collective applicable prévoit deux montants d'indemnités de licenciement, l'une pour motif personnel, l'autre pour motif économique, la convention de rupture peut être homologuée si l'indemnité de rupture qu'elle prévoit est au moins égale (Inst. DGT 2009-25 du 8-12-2009, réputée abrogée) :
soit à l'indemnité légale dans l'hypothèse où au moins une des indemnités conventionnelles est inférieure à l'indemnité légale ;
soit à l'indemnité conventionnelle la plus faible dans l'hypothèse où les deux indemnités conventionnelles sont supérieures à l'indemnité légale.
Cette position n’est pas tenable compte tenu de la présente décision de la Cour de cassation.