INFRACTIONS
Occupation illicite de logements : Publication d’une circulaire de présentation des dispositions de la loi du 27 juillet 2023
La 23 novembre 2023 est publiée la circulaire de présentation des dispositions de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Elle rend compte des dispositifs adoptés par la loi pour lutter contre ces comportements. Ces dispositifs comprennent le renforcement des atteintes au domicile existantes, en étendant notamment la notion de domicile, et la création de nouvelles infractions comme le délit de propagande en faveur des comportements de squat ou le délit d'introduction ou de maintien illicite dans un local à usage d'habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel. Cette circulaire rend compte de la volonté du législateur de renforcer l’arsenal législatif se rapportant à l’occupation illicite.
Uber : condamnation confirmée pour « complicité d’exercice illégal de l’activité de taxi »
La condamnation pour « complicité d’exercice illégal de l’activité de taxi » d’une société proposant une plate-forme de mise en relation entre des clients et des chauffeurs de VTC est confirmée par la Cour de cassation. Constitue ainsi l'infraction d'exercice illégal de l'activité d'exploitant taxi le fait, pour le chauffeur d'une voiture de transport, de ne pas regagner, entre deux courses, le lieu d'établissement de l'exploitant de la voiture ou un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé (C. transp. art. L. 3122-9). Le fait de stationner ou de circuler sur la voie publique dans l'attente d'une prochaine réservation est réservé aux seuls conducteurs de taxi (art. L. 3121-1 et L. 3121-11). (Crim. 28-11-2023, n° 22-80.577 FS-B).
PROCEDURE PENALE
Amende forfaitaire délictuelle : mode d’emploi dans la lutte contre les fusées et artifices au sein des stades
Dans une courte circulaire, le ministère de la Justice délivre la doctrine d’emploi des amendes forfaitaires délictuelles pour introduction, détention ou usage de fusées ou artifices dans une enceinte sportive (Circ. : CRIM 2023 – 18 / E1 – 14/11/2023 du 14 nov. 2023, BOMJ 21 nov. 2023). L’autorisation de recourir à l’amende forfaitaire délictuelle (de 500 euros) résulte de la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. Depuis, des expérimentations ont été menées dans les ressorts des grands stades ayant accueilli la Coupe du monde de rugby ou devant accueillir des épreuves des Jeux Olympiques. A l’issue de cette phase d’expérimentation, les AFD pour introduction, détention ou usage de fusées ou artifices dans une enceinte sportive sont généralisées à l’ensemble du territoire national à compter du 15 novembre 2023.
Enquête : Autorisation nécessaire du JLD pour certains dispositifs d’enquête
Est régulière la mise en place d’un dispositif technique de captation, fixation, transmission et enregistrement d’image sur un lieu privé en dehors des horaires de l’article 59 du code de procédure pénale lorsqu’elle est autorisée par le juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une enquête sur le fondement de l’article 706-96-1 du même code. Il s’en suit la régularité des constatations visuelles des enquêteurs lors de la pose de ce dispositif. De plus, les interceptions téléphoniques autorisées par le procureur de la république en ayant recours aux prestations d’une société sont régulières car l’autorisation a été prise par le juge des libertés et de la détention en premier lieu. (Crim. 21-11-2023, n°23-82.891 F-B)
Enquête : Absence de notification du droit de garder le silence
Les procès-verbaux tirés de déclarations spontanées d’une personne avant la notification de ses droits et notamment de son droit au silence sont nuls. De plus, la fouille de véhicule qui a pour objet la recherche de preuves d’une infraction distincte et déjà jugée de celle pour laquelle la personne est gardée à vue est nulle. En revanche, l’expertise d’un médecin qui ne notifie pas son droit à garder le silence au gardé à vue lors de son examen n’est pas entachée de nullité car cette obligation ne concerne que les auditions par les enquêteurs et interrogatoires devant une juridiction. (Crim. 22-11-2023, n°23-80.575 F-B)
Enquête : Régularité de l’accès aux enregistrements vidéo-protection de la ville par les OPJ sans réquisition
N’implique pas la délivrance d’une réquisition au sens de l’article 60-1 du code de procédure pénale, la situation dans laquelle des officiers ou agents de police judiciaire ont eu accès régulièrement et sans coercition à des enregistrements vidéo-protection de la ville. (Crim. 21-11-2023, n°23-81.591 F-B)
Détention provisoire : Irrecevabilité de la demande de mise en liberté en cas de juridiction dessaisie par un arrêt de Cassation
Lorsqu’une juridiction est dessaisie d’un dossier au profit d’une autre par l’effet d’un arrêt de Cassation, la première juridiction doit déclarer irrecevable la demande de mise en liberté qui lui est adressée, même lorsque l’intéressé a été notifié de l’arrêt de Cassation après avoir formulé sa demande. (Crim. 21-11-2023, n°23-85.035 F-B)
Détention provisoire : Compétence des cours d’appel après arrêt de cassation
La cour devant laquelle une demande de mise en liberté a été effectuée avant un arrêt de cassation demeure compétente pour statuer sur cette mise en liberté. (Crim. 21-11-2023, n°23-85.033 F-B)
Instruction : Expertise psychiatrique réalisée via un moyen de télécommunication
Pour décider de la mise en examen d’une personne, le juge d’instruction ne peut ordonner une expertise psychiatrique par un moyen de télécommunication puisque l’article 706-71 du code pénal énumère limitativement les cas dans lesquels les juges peuvent recourir à la télécommunication audiovisuelle. Or, l’examen du mis en examen par un médecin ou psychologue doit avoir lieu en sa présence. (Crim. 22-11-2023, n°22-86.713 F-B)
Jugement : Les Cours criminelles départementales sont conformes à la Constitution
Le Conseil constitutionnel retient qu’à l’exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale assurent aux accusés des garanties équivalentes à celle de la cour d’assises. Le Conseil refuse par ailleurs de reconnaître l’intervention d’un jury pour juger les crimes de droit commun comme principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il s’appuie pour cela sur l’existence d’exceptions historiques : « en dépit de son importance, le principe de l’intervention du jury en matière criminelle a été écarté pour certains crimes par la loi du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat, la loi du 9 mars 1928 portant révision du code de justice militaire pour l’armée de terre et la loi du 13 janvier 1938 portant révision du code de justice militaire pour l’armée de mer ». (Cons. const. 24-11-2023, n° 2023-1069/1070 QPC, M. Sékou D. et autre)
Jugement : Délai d’appel en cas d’impossibilité de comparution du prévenu
Lorsqu’un prévenu ne comparaît pas au jugement d’appel à la condition qu’il justifie de circonstances l’ayant mis dans d’impossibilité de comparaître, le délai d’appel ne démarre qu’à compter de la signification de la décision. La détention et la non-représentation du prévenu par avocat constituent des circonstances d’impossibilité de comparaître. En définitive, la décision de non-admission de l’appel du prévenu en raison de l’extinction du délai d’appel constitue un excès de pouvoir. (Crim. 22-11-2023, n°23-82.675 F-B)
Jugement : Principe ne bis in idem respecté en matière de non-représentation et de soustraction d’enfant mineur
La non-représentation d’enfant sur une période donnée et la soustraction d’enfant commise à une date précise sont deux faits distincts et les condamnations successives fondées sur ces chefs de culpabilité ne méconnaissant pas le principe ne bis in idem. (Crim. 22-11-2023, n°23-80.772 F-B)
Justice : Promulgation de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Le 21 novembre 2023 est promulguée la loi n°2023-1059 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 puis son rectificatif du 25 novembre, dont le projet a été porté par le gouvernement. Cette loi comprend une part importante de matière pénale, notamment la refonte du code de procédure pénale dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. De nombreuses règles relatives à l’enquête, l’instruction, le jugement ou encore l’exécution des peines sont modifiées ou ajoutées. L’objectif de cette loi est de clarifier, accélérer et moderniser la justice. Elle a ainsi pour vocation une réorganisation de la justice pénale en vue d’en améliorer son efficacité, et concerne effectivement, pour l’essentiel, des règles de procédure pénale.
Justice militaire : la demande d’avis préalable au ministre de la Défense par le procureur de la République sur l’opportunité d’engager les poursuites est obligatoire
Pour décider de l’engagement de poursuites ou du classement sans suite dans une procédure concernant la justice militaire, le procureur de la République doit effectuer une demande d’avis préalable au ministre de la Défense. Or, l’omission de cet avis durant 3 ans et donc le classement sans suite de l’affaire pour cause de nullité due à la prescription de l’action publique est contraire au droit à l’accès au juge de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme. (Crim. 21-11-2023, n°22-87.336 F-B)
Lutte contre la cybercriminalité : création d’un nouvel Office
L’office anti-cybercriminalité est créé (OFAC). Il se substitue à la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité et l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication et est rattaché à la direction générale de la police nationale. Il contribue à la répression des formes spécialisées, organisées ou transnationales de la cybercriminalité et aux actions de prévention en la matière. (Décr. n° 2023-1083 du 23-11-23 portant création de l'office anti-cybercriminalité et Arr. du 23-11-23 portant diverses dispositions réglementaires relatives à l'office anti-cybercriminalité, JO 25-11).
Prescription de l'action publique : Point de départ du délai en cas de séquestration suivie d’un meurtre dissimulé
La chambre criminelle s’est prononcée sur le départ du délai de prescription concernant les infractions de séquestration et de meurtre. L’homicide volontaire n’ayant été constaté que plus de trente ans après les faits et la dissimulation du corps et de la scène de crime ne constituant pas un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites pour homicide, la prescription de l’action publique qui était alors de 10 ans avant loi n°2017-242 du 27 février 2017, est acquise. De plus, les infractions d’arrestation arbitraire et de séquestration sont des infractions continues prenant fin avec la libération ou le décès de la victime. Or, selon toutes les informations à la disposition du juge d’instruction, la mort avait eu lieu le jour de l’enlèvement. Le délai de prescription pour ces infractions a donc commencé à courir dès le jour de l’enlèvement, considéré comme le jour de décès de la victime. La prescription de l’action publique est donc également acquise pour ces qualifications. (Crim. 28-11-2023, n° 23-80.599 F-B)
Violences intrafamiliales : création de pôles spécialisés
Des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales sont créés au sein des tribunaux judiciaires et des cours d’appel à compter du 1er janvier 2024. Un comité de pilotage de la lutte contre les violences intrafamiliales est placé auprès de ces pôles spécialisés. Ce comité réunit divers acteurs (juridictionnels ou non) et a pour mission notamment de définir les actions à mettre en œuvre pour concourir à la lutte contre les violences intrafamiliales, piloter la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation des dispositifs mis en place, faire toutes propositions visant à l'amélioration du traitement des violences intrafamiliales (COJ, art. R. 212-62-2 et R. 212-62-2) (Décr. n°2023-1077 du 23-11-23 instituant des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales au sein des tribunaux judiciaires et des cours d'appel, JO 24-11).
PEINES ET EXECUTION DES PEINES
Mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire et effet suspensif du pourvoi en cassation
Lorsqu’une personne est condamnée à une peine d’emprisonnement avec mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire, cette exécution ayant la nature d’une mesure de sûreté et s’effectuant sous le régime de la détention provisoire, le pourvoi en cassation ne produit pas d’effet suspensif sur l’exécution de ce mandat. (Crim. 22-11-2023, n°23-81.085 F-B)
Motivation du prononcé d’une période de sûreté supérieure à celle prévue de plein droit
La décision de culpabilité d’une cour d’assises ne motivant pas le prononcée d’une période de sûreté aux deux tiers de la peine, celle-ci étant supérieure à celle prévue de plein droit, encoure la cassation. (Crim. 22-11-2023, n°22-86.078 F-B)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal