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La semaine de l’actualité pénale

Le pôle pénal des Editions Lefebvre Dalloz a sélectionné pour vous l’actualité marquante de la semaine écoulée.


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©Gettyimages

Droit pénal spécial

Démarchage bancaire et blanchiment aggravé

A signaler la décision de la chambre criminelle dans l’affaire UBS, banque suisse à laquelle il était reproché un démarchage bancaire illicite et le blanchiment de fraude fiscale commise en France (Cass. crim. 15-11-2023 n° 22-81.258 FS-B). La Haute juridiction valide la condamnation et par conséquent le raisonnement des juges du fond s’agissant des éléments constitutifs du démarchage bancaire illicite et la prescription non acquise en matière de blanchiment puisque l’infraction était bien occulte. Elle censure en revanche l’arrêt d’appel quant aux peines prononcées et au montant des dommages et intérêt octroyés à l’Etat français. Rappelons que ces derniers s’élevaient à 800 millions d’euros. Cette décision est à rapprocher de la décision rendue le même jour concernant le refus d'indemnisation de l'Etat pour préjudice moral en matière de blanchiment de fraude fiscale (V. infra, Cass. crim. 15-11-2023, n°22-82.826).

Liberté d’expression : invoquer une atteinte à la dignité humaine ne suffit pas à justifier une restriction

La liberté d’expression constitue l’un des fondements des sociétés démocratique et ne peut se trouver limitée que lorsque cela est à la fois prévu par la loi et justifié par l’un des objectifs prévus à l’article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans cette affaire une association avait invoqué le fait qu’une exposition, accessible à tous, était constitutive de l’infraction prévue et réprimée par l’article 227-24 du code pénal, qui punit de 3 ans d’emprisonnement « Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère, incitant au terrorisme, pornographique ». Mais la plainte avait été classée sans suite. L’association a alors invoqué l’article 16 du code civil, qui interdit toute atteinte à la dignité de la personne. Pour l’Assemblée plénière, aucune des deux conditions pouvant justifier une atteinte à la liberté d’expression n’est remplie en l’espèce : l’article 16 du code civil n’est pas un texte suffisant pour justifier une restriction à la liberté de création artistique et la dignité de la personne humaine ne figure pas, en tant que telle, parmi les objectifs que fixe l’article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. En conséquence, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’association, qui sollicitait des dommages et intérêts. (Cass., ass. plén., 17-11-2023, n° 21-20.723, B+R)

Violences sexuelles faites aux enfants : la CIIVISE rend public son rapport et ses préconisations

Après 3 ans de travail, la Commission Indépendante sur l’Inceste et les VIolences Sexuelles faites aux Enfants a rendu, ce vendredi 17 novembre, son rapport, dont le titre résume la philosophie : Violences sexuelles faites aux enfants : "on vous croit". La Commission y livre son analyse des violences sexuelles faites aux enfants et présente 82 préconisations de politique publique, lesquelles s’articulent selon 4 axes : Repérage des enfants victimes, Traitement judiciaire, Réparation incluant le soin et Prévention des violences sexuelles. La CIIVISE espère que ce rapport ne constituera qu’une étape de son existence et de sa mission de la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants et qu’il sera connu et partagé par le plus grand nombre.

Justice

LOPMJ 2023-2027 : non-conformité de l’activation à distance des appareils électroniques à l’insu de leur propriétaire et autres réserves en matière pénale

Le conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Il censure une seule disposition de la loi : celle concernant l’activation à distance des appareils électroniques à l’insu de leur propriétaire afin de procéder à la sonorisation et à la captation d’image (46° du paragraphe I de l’art. 6) au motif qu’il est porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. A contrario, il valide cette possibilité aux seules fins de géolocalisation. Plusieurs dispositions sont déclarées conformes sous réserve… Ainsi la réalisation de perquisitions de nuit dans le cadre d’une enquête de flagrance relative à certains crimes est justifiée notamment par l’existence d’un risque immédiat de disparition des preuves et des indices du crime qui vient d’être commis. Le conseil constitutionnel précise que ce risque doit être entendu comme permettant d’autoriser une perquisition de nuit uniquement si celle-ci ne peut être réalisée dans d’autres circonstances de temps (C. pr. pén., art. 59-1). De même, la possibilité d’incarcérer provisoirement une personne mise en examen faisant l’objet d’un placement conditionnel sous assignation à résidence avec surveillance électronique afin de permettre la vérification de la faisabilité de la mesure est conforme à la constitution sous réserve que cette mesure constitue l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs visés par l’article 144 du code de procédure pénale. Également, la possibilité d’effectuer les interrogatoires et débats par un moyen de télécommunication audiovisuelle, lorsque la compétence de certaines juridictions spécialisées s’exerce sur le ressort de juridictions d’outre-mer, est conforme à la constitution sous réserve de caractériser l’impossibilité de présenter physiquement la personne devant la juridiction spécialisée et d’assurer la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges (C. pr. pén., art. 706-79-2). Enfin, le conseil constitutionnel écarte plusieurs dispositions de la loi qui constituent des cavaliers législatifs notamment : l’article 5 visant à modifier plusieurs articles du code de procédure pénale afin de remplacer le mot « race » par « prétendue race » ; l’article 8 modifiant l’article L. 241-2 du CJPM prévoyant la transmission des rapports éducatifs et documents individuels de prise en charge entre les personnels des services et établissements PJJ et du secteur associatif habilité ; l’article 10 qui rendait obligatoire l’assistance des personnes morales par un avocat pour la conclusion d’une CJIP ; l’article 20 prévoyant le suivi des obligations qui peuvent être imposées dans Le cadre d’une CJIP en matière environnementale par le procureur de la République. (Cons. const. 16-11-2023, n° 2023-855 DC)

Procédure pénale

Action civile : pas de préjudice moral de l’État distinct de l’atteinte portée à l’intérêt général en matière de blanchiment de fraude fiscale

L’action civile n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert d’un dommage directement causé par l’infraction, distinct de l’atteinte portée aux intérêts généraux de la société, dont la réparation est assurée par l’exercice de l’action publique. La commission, par un contribuable, du délit de blanchiment de fraude fiscale n’est pas susceptible de causer à l’État un préjudice moral distinct de l’atteinte portée aux intérêts généraux de la société que l’action publique a pour fonction de réparer. (Cass. crim. 15-11-2023, n° 22-82.826, FS-B)

Données de connexion : propositions sénatoriales dans le sens d’une efficacité accrue de l’enquête

Dans un rapport de mission confiée par la commission des lois, « Les modalités d’investigation recourant aux données de connexion dans le cadre des enquêtes pénales » les sénateurs Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère formulent 16 propositions « pour rénover l’accès aux données de connexion dans un sens conforme tant aux règles européennes qu’aux attentes des acteurs de l’enquête pénale ». Les principales propositions vont au demeurant davantage dans le sens de l’efficacité de l’enquête que de celui de la préservation de la vie privée : assumer une position forte dans le dialogue européen pour faire aboutir les négociations sur e-privacy 2 ; tirer profit des « soupapes » offertes par la jurisprudence européenne ; mettre en place un contrôle préalable et indépendant confié au juge des libertés et de la détention mais le concevoir pragmatiquement pour limiter la surcharge de travail induite sur les enquêteurs et les magistrats et éviter le « choc procédural ».

Saisies : l’avis préalable du procureur est requis à peine de nullité

Lorsque le juge d’instruction ordonne d’office la remise à l’AGRASC, en vue de leur aliénation, de biens meubles placés sous-main de justice, il doit le faire après avis du procureur de la République (C. pr. pén., art. 99-2). En l’absence d’un tel avis, l’ordonnance prise encourt la nullité. (Cass. crim. 15-11-2023, n° 23-81.135, F-B)

Peines et exécution des peines

Droit pénitentiaire : un nouveau décret relatif aux mères détenues

Le texte prévoit notamment que les enfants peuvent être laissés auprès de leur mère en détention jusqu’à l’âge de dix-huit mois (C. pénit., art. D. 216-22). Cette limite d’âge de dix-huit mois peut être reculée, à la demande de la mère et sur décision du directeur interrégional des services pénitentiaires territorialement compétent, après avis d’une commission consultative (C. pénit., art. D. 216-23). Le décret élargit en outre la liste des personnes entendues par la commission avant d’émettre son avis, en y intégrant la mère de l’enfant ou son avocat et, dans la mesure du possible, tout autre titulaire de l’exercice de l’autorité parentale ou son avocat. Par ailleurs, le décret décrit les modalités d’accompagnement de l’enfant dans l’hypothèse où celui-ci doit recevoir des soins urgents dans un établissement de santé (Décr. n°2023-1044 du 16-11-2023 modifiant la partie réglementaire du code pénitentiaire (décrets simples) et relatif aux conditions de détention des mères détenues vivant avec leurs jeunes enfants en détention).

Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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