Exécution du contrat
La mise à pied prononcée par l'employeur dans l'attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps a un caractère conservatoire. Le fait pour l'employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail, n'a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-18.717 F-D).
Durée du travail
Une cour d’appel ne saurait débouter un salarié de sa demande au titre des repos compensateurs non pris, après avoir dit que la convention de forfait en jours signée par le salarié était sans effet et condamné l'employeur à payer au salarié des heures supplémentaires non rémunérées en retenant l’absence de décompte probant, alors qu'il lui appartenait de rechercher, en tenant compte des heures supplémentaires non rémunérées effectuées par le salarié qu'elle avait précédemment retenues, s'il n'avait pas accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel (Cass. soc. 25-5-2022 n° 19-23.381 F-D).
L'accord du 3 juillet 2000 portant sur l'organisation de la réduction du temps de travail dans les sociétés du groupe prévoit que, compte tenu du niveau de responsabilités attaché à leur fonction et de l'autonomie dont ils disposent dans l'organisation de leur temps de travail, la durée de travail des cadres donne lieu à l'établissement d'un forfait qui fixe leur nombre de jours de travail sur l'année, pour une année complète de présence, à 213 jours de travail et 2 jours dédiés à la formation. Ayant constaté l'existence d'un usage non contesté attribuant aux salariés 2 à 6 jours de congés supplémentaires en fonction de l'ancienneté, l'arrêt énonce à bon droit que le régime des jours de repos annuels au titre d'une réduction du temps de travail est autonome de ceux répondant à d'autres objectifs, soit notamment les congés d'ancienneté qui sont étrangers à la mise en œuvre de la réduction du temps de travail et obéissent à des règles d'acquisition différentes. La cour d'appel, en décidant que les jours d'ancienneté fixés par l'usage doivent être pris en compte pour la détermination du nombre de jours travaillés sur la base duquel est fixé le plafond propre à chaque convention de forfait, et doivent donc venir en déduction du forfait de 213 jours travaillés, a fait l'exacte application de l'accord collectif du 3 juillet 2000 (Cass. soc. 25-5-2022 n° 20-13.262 F-D).
Ayant énoncé, à bon droit, qu'au sens de l'article 5 du décret 83-40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du Code du travail sur la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, les conducteurs de messagerie sont des personnels roulants affectés, à titre principal, à des services organisés de messagerie, d'enlèvement et de livraison de marchandises ou de produits dans le cadre de tournées régulières nécessitant, pour une même expédition de domicile à domicile, des opérations de groupage et de dégroupage, et comportant des contraintes spécifiques de délais de livraison et ce, indépendamment du type de véhicule utilisé, du volume et du conditionnement de la marchandise transportée, et, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, relevé que la lecture de la liste de chargement d'une tournée mensuelle montrait que le "conducteur distribution" effectuait des livraisons chez plusieurs clients différents, situés dans une même localité ou des localités voisines les unes des autres, dont la plupart n'étaient visités qu'une ou deux fois dans le mois et que les ordres de mission remis aux "conducteurs distribution" et les plannings hebdomadaires et annuels produits par le salarié ne permettaient pas de déterminer que les conducteurs de la société procédaient à des enlèvements et des livraisons de marchandises dans les conditions définies par l'article 5 du décret du 26 janvier 1983, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les tournées des "conducteurs distribution" n'étaient pas régulières, a souverainement retenu que le salarié ne démontrait pas qu'il était affecté à des services organisés de messagerie, au sens du décret (Cass. soc. 25-5-2022 n°s 20-18.089 F-D, 20-18.091 F-D, 20-18.092 F-D, 20-18.093 F-D, 20-18.096 F-D, 20-18.097 F-D).
Rupture du contrat
En raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d'une instance judiciaire, est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-14.783 F-D).
Le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a nécessairement subi un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue. Ayant constaté que le salarié avait non seulement été injustement privé de son emploi mais avait également perdu une chance de bénéficier des indemnités supra-légales négociées dans le cadre de l'accord de gestion sociale, la cour d'appel a souverainement apprécié l'étendue du préjudice subi par l'intéressé (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-19.524 F-D).
Ayant constaté que le plan de sauvegarde de l'emploi, dont le contenu avait été pour partie anticipé par deux accords de méthode, comportait tout un ensemble de mesures précises et concrètes en vue d'éviter ou de limiter les licenciements invoqués ou, à défaut, de reclasser les salariés, avec un investissement important d'aide par le biais d'une cellule de reclassement composée de 6 personnes, chargée non seulement d'identifier les postes disponibles, mais aussi de procéder à un examen individuel des solutions pouvant être proposées à chaque salarié, des recherches de solutions à l'international dans le groupe, ou encore de l'appel à la formation professionnelle, si une formation complémentaire s'avérait nécessaire, la cour d'appel a fait ressortir que l'ensemble de ces mesures était proportionné aux moyens du groupe et a pu décider que le plan de sauvegarde de l'emploi répondait aux exigences légales (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-14.998 F-D).
Dès lors que le salarié contestait la véracité de la lettre de démission qui lui était imputée, la cour d'appel aurait dû procéder à une vérification d'écriture (Cass. 2e civ. 19-5-2022 n° 21-10.385 F-D).
Représentation du personnel
A défaut d'accord préélectoral satisfaisant aux conditions de double majorité, il appartient à l'employeur, en l'absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote. En l'absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections et demander à ce titre l'annulation des élections (Cass. soc. 18-5-2022 n° 21-11.737 F-B).
Les irrégularités directement contraires aux principes généraux du droit électoral constituent une cause d'annulation des élections indépendamment de leur influence sur le résultat des élections. L'obligation de neutralité de l'employeur est un principe général du droit électoral et il appartient à celui qui invoque la violation par l'employeur de son obligation de neutralité d'en rapporter la preuve.
Inverse la charge de la preuve et ne caractérise pas le manquement de l’employeur à son obligation de loyauté le tribunal qui annule les premier et second tours des élections du premier collège au CSE de l'établissement après avoir relevé que le protocole d'accord préélectoral prévoyait que les listes de candidats pour le premier tour devaient être déposées au plus tard le 4 novembre 2019 à 12 heures, retient que la liste de candidats du syndicat CFTC, adressée par courriel le 4 novembre 2019 à 12 heures 16, n'a pas été retenue par l'employeur faute d'avoir été déposée dans le délai fixé par le protocole d'accord préélectoral, tandis que, s'agissant de la liste de candidats du syndicat FO, déposée en main propre auprès de l'employeur également le 4 novembre 2019, il n'est pas justifié de l'heure de son dépôt, en sorte qu'il n'est pas possible d'apprécier, d'une part si l'heure limite de dépôt des listes a été respectée par le syndicat FO, d'autre part si la société, qui a rejeté la liste du syndicat CFTC, n'a pas favorisé le syndicat FO au détriment du syndicat CFTC (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-21.529 F-B).
Aux termes de l’article L 2314-37 du Code du travail, lorsqu'un délégué titulaire au CSE cesse ses fonctions pour l'une des causes indiquées à la présente section ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S'il n'existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l'organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant. A défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n'appartenant pas à l'organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le suppléant devient titulaire jusqu'au retour de celui qu'il remplace ou jusqu'au renouvellement de l'institution. Il en résulte que, en l'absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d'une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d'un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale (Cass. soc. 18-5-2022 n° 21-11.347 F-B).
Ayant énoncé que la production d’ éléments « bruts », pris à la source, demandée par l’expert-comptable désigné par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi s'avérait nécessaire à la réalisation de la mission d'expertise dès lors qu'ils étaient de nature à permettre une analyse complète sur 20 % de la population exclue des données fournies par l'employeur, en matière de promotion, de qualification et d'égalité professionnelle entre hommes et femmes, et ce sur la totalité du périmètre social, alors que l'agglomération des données produites par la société était susceptible de fausser l'analyse, notamment en gommant les écarts de salaire qui pourraient s'avérer importants dans ces catégories professionnelles ainsi que les changements annuels de ces populations de cadres, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de condamner l’employeur à transmettre à l’expert ces éléments, peu important que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans la base de données économiques et sociales en application des dispositions légales (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-21. 444 F-D).
Selon l’article L 2315-94, 1°, du Code du travail, le CSE peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. Selon l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il en résulte qu'il incombe au CSE dont la délibération ordonnant une expertise en application du texte précité est contestée, de démontrer l'existence d'un risque grave, identifié et actuel, dans l'établissement (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-23.556 F-D).
Le salarié protégé dont le licenciement est nul, qui ne demande pas sa réintégration ou dont la réintégration est impossible, est en droit d'obtenir, outre l'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, les indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à 6 mois de salaire, sans que le juge ait à se prononcer sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 18-5-2022 n° 21-10.118 F-B).
Si les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, notamment en cas de défaut de réunion, d'information ou de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles sont légalement obligatoires, ils n'ont pas qualité à agir aux lieu et place de ces institutions au titre d'un défaut de consultation qu'elles n'invoquent pas. Ayant constaté l'absence d'action engagée par le comité social et économique à laquelle le syndicat aurait pu s'associer, la cour d'appel a exactement retenu que les demandes du syndicat étaient irrecevables, peu important qu'il invoque les stipulations d'un accord collectif au soutien de cette action (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-23.321 F-D).
Sauf stipulation contraire de ses statuts, une union de syndicats à laquelle la loi a reconnu la même capacité civile qu'aux syndicats eux-mêmes peut exercer les droits conférés à ceux-ci. La disposition des statuts de la fédération, aux termes de laquelle peut faire partie de la Fédération des syndicats SUD Rail tout syndicat qui désire travailler dans le cadre des présents statuts et dont la demande d'adhésion est approuvée par le conseil fédéral, ne constitue pas une stipulation interdisant aux salariés d'une entreprise, en l'absence de syndicat affilié, d'adhérer directement à la fédération afin de lui permettre d'y exercer des prérogatives syndicales (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-23.689 F-D).
Statuts particuliers
Le contrat de travail d'un salarié investi d'un mandat social exclusif de tout lien de subordination est, en l'absence de convention contraire, suspendu pendant le temps d'exercice du mandat. La démission d’un tel salarié ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de sa part de rompre le contrat de travail. Le fait que le procès-verbal du conseil d'administration mentionne que, nommé directeur général, il a déclaré renoncer au bénéfice de son contrat de travail et ne plus être rémunéré au titre de ce dernier, sa rémunération au titre de son mandat social devant être fixée ultérieurement, ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner (Cass. soc. 18-5-2022 n° 20-15.113 F-D).
Contrôle - contentieux
Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Est irrecevable la demande du salarié au titre du paiement des heures supplémentaires formulée pour la première fois en appel, et qui n'est pas l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des prétentions originaires, qui étaient limitées à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail (Cass. soc. 25-5-2022 n° 21-11.478 F-B).