Exécution du contrat
Si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables. Une cour d'appel ne peut pas faire droit à la demande d'un syndicat relative au mode de calcul de l'augmentation générale des salaires sans préciser en quoi le fait de fonder une telle augmentation sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des salariés constituerait un élément susceptible de caractériser une inégalité de traitement (Cass. soc. 22-11-2023 n° 22-11.238 FS-B).
Ayant constaté que la salariée gréviste avait participé activement et personnellement, avec des personnes étrangères à l'entreprise, à l'occupation des locaux du siège social de la société, l'occupation s'étant traduite par l'envahissement des locaux où se trouvait le service des ressources humaines, lesquels avaient été verrouillés et bloqués après l'évacuation des salariés présents sur les lieux, ainsi que par le refus par les occupants des lieux de laisser les salariés récupérer leurs effets personnels tels que la carte de parking pour sortir leur véhicule, et retenu que cette occupation des locaux avait eu pour effet d'entraver la liberté de travailler des autres salariés et conduit à la dégradation des locaux, la cour d'appel a pu en déduire que la salariée avait commis une faute lourde, de sorte que son licenciement était fondé (Cass. soc. 22-11-2023 n° 21-21.906 FS-D).
Rupture du contrat
L'annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire d'un débiteur n'affecte pas les licenciements régulièrement prononcés avant cette annulation par le liquidateur, si la cour d'appel ayant annulé le jugement a ouvert elle-même la liquidation judiciaire du débiteur. Dès lors que la cour d'appel, après annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, a constaté l'impossibilité d'un redressement de l'entreprise et ouvert à l'égard de celle-ci une procédure de liquidation judiciaire, la décision d'annulation n'a pas eu pour effet de remettre en cause la validité de la rupture du contrat de travail intervenue à la suite de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle que lui avait proposé le liquidateur judiciaire alors en fonction, peu important la modification de la date de cessation des paiements dans la seconde décision d'ouverture de la procédure collective (Cass. soc. 22-11-2023 n° 20-23.640 FS-B).
Si la cession totale ou partielle de l'entreprise en liquidation judiciaire est envisageable ou si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige, le maintien de l'activité peut être autorisé par le tribunal. Le liquidateur administre l'entreprise et peut procéder aux licenciements. Toutefois, lorsque le nombre des salariés ou le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à des seuils fixés par décret ou, en cas de nécessité, le tribunal désigne un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise. Il en résulte qu'en l'absence de maintien de l'activité, il n'y a pas lieu de désigner un administrateur judiciaire, quand bien même l'un des seuils du nombre de salariés ou du chiffre d'affaires serait atteint (Cass. soc. 22-11-2023 n° 20-23.640 FS-B).
S'il incombe au juge, tenu d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne lui appartient pas de contrôler les choix de gestion de ce dernier et leurs conséquences sur l'entreprise quand ils ne sont pas dus à une faute (Cass. soc. 22-11-2023 n° 22-19.589 FS-D).
Représentation du personnel
Le manquement de l'employeur à l'obligation d'information et de consultation des instances représentatives du personnel n'est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct (Cass. soc. 22-11-2023 n° 20-23.640 FS-B).
Si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. L’intérêt à agir d’un syndicat n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action et, en l’espèce, l’action du syndicat, en ce qu’elle ne tendait pas à obtenir du juge qu’il condamne l’employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, était recevable (Cass. soc. 22-11-2023 n° 22-14.807 FS-B).
Si le contrôle sur les entreprises du groupe, exercé dans les conditions définies notamment aux I et II de l'article L 233-3 du Code de commerce, peut émaner d'une personne physique, pour que cette personne physique puisse être qualifiée d'entreprise dominante au sens de l'article L 2331-1 du Code du travail, c'est à la condition que les droits de vote attachés aux participations ne soient pas exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dans lesquelles sont détenues les participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et que la personne physique, détentrice de tout ou partie du capital, s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe. Dès lors, un tribunal judiciaire ne saurait, pour rejeter la demande du syndicat et du comité de constitution d'un comité de groupe, retenir que les dispositions de l'article L 2331-1 du Code du travail visent une entreprise, dotée d'un siège social, et non une personne physique et que rien ne permettait de considérer que le législateur avait entendu élargir cette notion d'entreprise dominante à une personne physique, alors qu'il lui incombait de rechercher si les sociétés en cause, qui relèvent du même secteur d'activité, étaient sous le contrôle et la direction de M. K, de sorte que celui-ci devait être considéré comme l'entreprise dominante du groupe (Cass. soc. 22-11-2023 n° 22-19.282 FS-B).
Une cour d’appel a pu déduire des constats suivants que l’employeur était recevable à agir sur le fondement d’un abus de droit quant au positionnement par le salarié de ses heures de délégation (Cass. soc. 22-11-2023 n° 22-19.658 F-D) :
le salarié, travaillant habituellement de 18h15 à 1h30, positionnait systématiquement sur certaines plages horaires, soit entre 5h et 7h puis entre 14h et 16h, en dehors de son horaire habituel de travail, des heures de délégation fractionnées de 30 minutes, de façon à interrompre par deux fois le temps de repos obligatoire de 11 heures consécutives et d'empêcher, en application des règles statutaires régissant le temps de travail des agents de la RATP, sa prise de service à 18H15 ;
l'employeur avait demandé au salarié de fournir une indication précise des activités exercées pendant ses heures de délégation ainsi que des nécessités du mandat justifiant leur pose systématique en dehors de l'horaire habituel de travail et cette demande était restée sans réponse.
Le tribunal judiciaire ne pouvait débouter l’entreprise de sa demande d’annulation de la désignation du salarié comme représentant de section syndicale sans constater qu’au jour de cette désignation, les deux salariés composant la section syndicale s’étaient acquittés de leur cotisation (Cass. soc. 22-11-2023 n° 23-12.596 F-D).