La charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l’employeur
Il est de jurisprudence constante qu’il revient à l’employeur de prouver le paiement du salaire (Cass. soc. 2-3-2017 n° 15-22.759 F-D ; Cass. soc. 6-11-2019 n° 18-17.928 F-D), notamment par la production de pièces comptables et ce, même si un bulletin de paie a bien été délivré au salarié (Cass. soc. 16-2-1999 n° 96-41.838 PF ; Cass. soc. 21-9-2016 n° 15-12.108 F-D). En effet, le fait que ce dernier ait accepté sans protestation ni réserve le bulletin de paie ne présume pas du paiement du salaire (Cass. soc. 2-2-1999 n° 96-44.798 P).
La remise d’un chèque (prouvée par la photocopie dudit chèque) vaut-elle, à elle seule, moyen de preuve du paiement du salaire ? Telle était la question soumise à la Cour de cassation.
En l’espèce, un salarié avait été mis à pied à titre conservatoire avant d’être licencié pour faute. Contestant son licenciement, il avait saisi les tribunaux réclamant, entre autres, le paiement d’un rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire. Demande rejetée par la cour d’appel.
Les juges du fond ont retenu que l’employeur avait bien produit les bulletins de salaire d'août et septembre 2017 et avait adressé en cours de délibéré, comme la cour l'y avait invité, le bulletin de paie de novembre 2017 mentionnant l'ensemble des sommes dues, conforme au reçu pour solde de tout compte, et la photocopie du chèque reprenant ce montant, prouvant ainsi l'absence de retenue de salaire pour la période de la mise à pied.
En l’absence de pièces comptables, la remise d’un chèque ne vaut pas preuve du versement du salaire
Se prononçant, comme souvent en la matière, au visa de l’article 1353 du Code civil, selon lequel celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation, la chambre sociale de la cour de cassation donne raison au salarié et casse l’arrêt d’appel.
La Cour de cassation s’appuie également sur le Code du travail, rappelant que l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus (C. trav. art. L 3243-3).
Pour la Haute Juridiction, l’employeur ne peut se contenter d’indiquer que les sommes en cause figurent sur le bulletin de paie et présenter la photocopie du chèque reprenant ces montants. En effet, la remise du chèque à l’ordre du salarié n’a valeur libératoire pour le débiteur que sous réserve d’encaissement effectif par le créancier, ce qu’il appartient à l’employeur d’établir.
A noter :
La Haute Juridiction confirme ici une position déjà prise en ce sens il y a quelques années (Cass. soc. 13-1-2010 n° 08-41.356 F-D ; Cass. soc. 18-6-2015 n° 13-27.049 F-D). Dans l’arrêt du 19 avril 2023, l’employeur aurait pu prouver, le cas échéant, que le chèque avait effectivement été encaissé, notamment par la production de pièces comptables.
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