Fonctionnement des contrats SaaS
1.1 Définition des contrats SaaS
Un contrat de « Software as a Service » ou « SaaS » permet à une entité (cliente) d'externaliser intégralement un aspect de son système d'information (formation, maintenance, mises à jour…) auprès d’un fournisseur de services « cloud » :
utilisation à distance, via une simple connexion internet et pour une durée spécifiée, des fonctionnalités logicielles « on cloud » ;
hébergement des fonctionnalités logicielles sur une infrastructure opérée par le fournisseur externe ;
bénéfice de tous les services et expertises liés.
A noter :
En général, les contrats SaaS donnent un simple droit d’accès au logiciel, non exclusif, et ne prévoient ni le transfert de propriété du logiciel ni même le transfert d'une licence d'exploitation du logiciel. L’entité (cliente) n’a donc pas le pouvoir de prendre possession du software. Toutefois, certains contrats « labelisés » SaaS prévoient de tels transferts. Dans ce cas, on parlera de « faux contrats SaaS ».
1.2 Frais engagés à l’entrée dans un contrat SaaS
L’entité (cliente) peut être amenée à engager des coûts en phase de recherche préliminaire (définition des besoins, sélection du fournisseur…). Une fois le logiciel trouvé, elle engage également des frais pour le déploiement du SaaS.
Dans la phase initiale d'implémentation d'un contrat SaaS, l'entité (cliente) peut encourir des coûts IT significatifs :
de configuration, qui n’impliquent que le paramétrage du code source du logiciel pour qu’il fonctionne d’une manière spécifique ;
de personnalisation ou « customisation », qui impliquent la modification du code source du logiciel en mode SaaS ou l’ajout de codes additionnels, changeant les fonctionnalités ou en créant de nouvelles ;
En pratique :
– les codages modifiant le code source ne devraient que peu ou plus exister ;
– les contrats peuvent prévoir que les ajouts de codes sources additionnels seront transférés au fournisseur, de manière à ce qu’il puisse les intégrer dans ses mises à jour (à l’adresse de tous ses clients). À défaut, les fournisseurs ne sont pas responsables des développements.
d’acquisition ou développement d'une interface entre les systèmes et logiciels de la société et les systèmes et logiciels en mode SaaS, qui impliquent la modification des codes sources des logiciels appartenant à l’entité (cliente) ;
de conversion/migration des données ;
de formation des utilisateurs.
Ces coûts peuvent être :
d'origine interne ;
payés au fournisseur de SaaS ;
ou payés à des prestataires externes.
Positions internationales applicables dans les comptes consolidés en normes IFRS dès 2021
L’IFRS IC a été saisi à deux reprises pour des problématiques relatives à la comptabilisation des contrats SaaS.
En mars 2019, la question a porté sur la reconnaissance à l’actif ou en charges des droits d’accès, pour une période donnée, à un logiciel hébergé sur des infrastructures de type « cloud » gérées et contrôlées par le fournisseur. Selon l’IFRS IC, le traitement d’un contrat « labélisé » SaaS dépend de l’analyse des droits que ce contrat ouvre à l’entreprise. Ainsi, il est à traiter comme :
l'acquisition d'une immobilisation si le client obtient le contrôle du logiciel, c’est-à-dire qu’il est en mesure (i) d’obtenir les avantages économiques futurs générés par la ressource et (ii) de restreindre l'accès des tiers à ces avantages économiques ;
un contrat de location si le client a (i) le droit d'obtenir la quasi-totalité des avantages économiques résultant de l'utilisation du logiciel, en l'occurrence, ici, l'usage exclusif du logiciel sur la durée du contrat, et (ii) le droit de diriger l'utilisation du logiciel ;
un contrat de service unique d’accès continu s’il ne confère pas au client le contrôle d'un droit d'utilisation (IFRS 16) ou d'une immobilisation incorporelle (IAS 38). C’est en général le cas en pratique. Les redevances sont alors à comptabiliser en charges au fur et à mesure que le service est consommé.
Exemple :
Par exemple est un contrat de service le contrat SaaS prévoyant un droit d'accès à un logiciel contrôlé par le fournisseur dans lequel le client ne peut pas installer le logiciel sur sa propre infrastructure ou celle d’un tiers, et ne décide pas des modifications du logiciel.
Pour plus de détails, voir Mémento IFRS n° 30052.
En mars 2021, la question a été de savoir comment comptabiliser les coûts de mise en œuvre d’un logiciel en mode SaaS. Selon l’IFRS IC, la comptabilisation des coûts de mise en œuvre d’un logiciel SaaS doit être faite en fonction des faits et circonstances.
Concernant les coûts de configuration (paramétrage) et de customisation (personnalisation) du logiciel :
si le droit d'accès du logiciel en mode SaaS est une immobilisation incorporelle (cas rare en pratique), ces coûts sont également immobilisables s'ils sont directement attribuables à la préparation de l'immobilisation en vue de son utilisation de la manière prévue par la direction (IAS 38.27b) et, en cas de projet interne, s'ils répondent aux critères de capitalisation des dépenses de développement (IAS 38.57) ;
si les droits d'accès au logiciel en mode SaaS correspondent à une prestation de services, ces coûts doivent être comptabilisés en charges au moment où les travaux de configuration et de customisation sont effectués, sauf dans deux cas particuliers :
les coûts aboutissent à la création d'un code logiciel additionnel, séparé du SaaS et contrôlé par l'entité (cliente) : dans ce cas, il s’agit d’un actif incorporel si ces coûts répondent par ailleurs aux autres critères de définition d'un actif incorporel ;
la prestation de mise en œuvre du logiciel et la prestation continue d'accès au SaaS sont sous la responsabilité d'un fournisseur unique, et ces deux prestations ne sont pas distinctes, au sens d'IFRS 15 : dans ce cas, la charge est étalée sur la durée du contrat de SaaS via les charges constatées d’avance.
Pour plus de détails, voir Mémento IFRS n° 30053.
Comment comptabiliser les coûts liés à un contrat SaaS dans les comptes établis en normes françaises ?
3.1 Lien avec la norme internationale
Rappelons que les principes d’activation selon IAS 38 sont les mêmes en règles françaises, à l’exception de l’option, laissée en règles françaises, pour comptabiliser en charges les frais de développement.
Une question légitime est donc posée par les entreprises de groupes IFRS pour l’élaboration de leurs comptes sociaux : un alignement de principe est-il possible avec l’application de ces nouvelles dispositions dans les comptes sociaux ?
La réponse est évidemment non. Comme l’a rappelé Géraldine Viau-Lardennois, directrice générale de l’ANC, interrogée par nos soins lors de notre formation « Arrêté des comptes et résultat fiscal 2022 » du 22 novembre 2022 (organisée par PwC et les Echos Events, en partenariat avec les Éditions Francis Lefebvre et la DFCG), même si les principes sont proches, aucun alignement systématique sur une position de l’IFRIC n’est possible dans les comptes sociaux, à défaut de position prise par le normalisateur comptable français en ce sens. Une prise de position explicite de l’ANC est donc nécessaire, et c’est pourquoi il a été décidé d’ouvrir un groupe de travail afin de définir le traitement des coûts engagés lors de la mise en œuvre des logiciels sous contrats SaaS et, plus généralement d’ailleurs, le traitement des développements informatiques en général.
3.2 Groupe de travail en cours à l’ANC
Le groupe de travail constitué à l’ANC vise à actualiser les règles du plan comptable général sur les logiciels, datant de l’avis CNC n° 31 (relatif au traitement comptable des dépenses de logiciels) des 9 janvier et 29 avril 1987, et, de façon plus générale, de préciser les règles qui s’appliquent aux frais de développement informatiques. L’objectif est de développer des principes généraux applicables à l’ensemble de ces coûts informatiques, qu’ils soient engagés en interne ou en externe, et quel que soit le mode d’utilisation de ces coûts, en mode SaaS ou non.
Selon l’ANC, un règlement devrait pouvoir être finalisé début 2023, pour une application vraisemblablement aux exercices en cours à cette date.
3.3 À la clôture 2022
Dans l’attente d’une position définitive du groupe de travail constitué par l’ANC, Géraldine Viau-Lardennois nous a indiqué que les règles actuellement en vigueur, ainsi que les traitements comptables actuellement appliqués par les entreprises devaient continuer de s’appliquer. Pour les clôtures 2022, aussi bien dans les comptes sociaux que dans les comptes consolidés en règles françaises ; il convient donc de ne pas modifier le traitement des coûts relatifs aux contrats SaaS et de poursuivre la méthode appliquée jusqu’alors.
Plusieurs situations sont possibles :
Si l’entreprise a des coûts SaaS activés à l’ouverture 2022
Le traitement des coûts SaaS activés à l’ouverture 2022 n’a pas à être modifié, même si, dans les comptes consolidés IFRS de l’entreprise, ces coûts ont été comptabilisés en charges.
Si l’entreprise a de nouveaux contrats SaaS à la clôture 2022
Les dépenses relatives à de nouveaux contrats SaaS doivent être comptabilisées selon le traitement déjà appliqué par l’entreprise dans le passé. Les principes d’activation ne doivent donc pas être modifiés, même s’ils ne sont pas en ligne avec les critères retenus dans les comptes consolidés IFRS de l’entreprise.
Lorsqu’il n’existe aucune pratique antérieure
Lorsque l’entreprise enregistre pour la première fois en 2022 des coûts liés à un contrat « labélisé » SaaS, ces dépenses doivent être analysées au regard des règles applicables aux immobilisations incorporelles.
a. Comptabilisation des redevances SaaS
En général, dans le cadre d’un contrat SaaS, les redevances versées rémunèrent une prestation de services continue et, à ce titre, elles sont, à notre avis, à comptabiliser en charges au fur et à mesure de la prestation rendue dans un compte de « services extérieurs » (compte 61).
Toutefois, lorsqu’il peut être démontré que le contrat « labélisé » SaaS transfère un droit exclusif d’utilisation ou de propriété du logiciel (cas rares, à notre avis), ce logiciel est comptabilisé en immobilisation.
En effet, l’existence de ce droit rend l’élément identifiable (il résulte d’un droit légal) et contrôlé (il restreint l’accès des tiers aux avantages qu’il procure), et permet ainsi au logiciel de répondre aux conditions de définition (PCG art. 211-5) et de comptabilisation (PCG art. 212-1) d’une immobilisation.
A noter :
Dans tous les cas :
– le traitement des logiciels mis à disposition dans le cadre d’un contrat SaaS dépendra de l’analyse des droits et obligations du contrat ;
– une information circonstanciée dans l'annexe des comptes peut être nécessaire si elle est utile à la bonne compréhension des comptes (PCG art. 833-2).
b. Comptabilisation des coûts d’implémentation du logiciel
Les coûts relatifs à la mise en œuvre d’une solution SaaS devraient pouvoir être immobilisés, à notre avis :
soit lorsqu’ils se rapportent à un élément identifiable et contrôlé : par exemple, un droit exclusif tel qu’un programme ou un code appartenant à l’entité (cliente) ;
En effet, selon le Code de la propriété intellectuelle, sont expressément protégés par le droit d’auteur (art. L 112-1 et L 112-2) :
- non seulement les logiciels (ensemble composé de plusieurs programmes, ainsi que tous les éléments le rendant opérationnel) ;
- mais également l'ensemble des travaux de conception aboutissant au développement d'un programme informatique (codes binaires ou codes sources). C’est également ce que la jurisprudence confirme (Tribunal de commerce de Paris, 15e chambre, 15-10-2004) : les programmes d’ordinateur seuls (et non en tant qu’élément intégrant un logiciel) sont, sur le fondement des articles L111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, également protégés par le Code précité, dans la mesure où ils sont la matérialisation d’un effort intellectuel.
À notre avis, ce cas devrait concerner, notamment, les frais de développement des interfaces et certains coûts de personnalisation.
A noter :
Selon les textes comptables actuels, seuls les logiciels créés sont obligatoirement activés (PCG art. 611-2 et 611-3). En revanche, rien n’est précisé sur les programmes informatiques (simples codes). À notre avis, et dans l’attente d’une position définitive de l’ANC, les coûts de création d’un programme ou code devraient pouvoir bénéficier de l’option pour une comptabilisation directement en charges (C. com. art. R 123-186 et PCG art. 212-3.1), lorsque l’entreprise a choisi cette option pour comptabiliser l’ensemble de ses frais de développement.
soit lorsqu’ils représentent les frais accessoires à l’acquisition d’un élément immobilisé (par exemple, les coûts directement attribuables à l’acquisition d’un code lui-même activé).
Les dépenses informatiques ne répondant à aucune des deux conditions (ne correspondant ni à un élément identifiable et contrôlé ni aux frais accessoires à l’acquisition d’une immobilisation) devraient être comptabilisées directement en charges.
Enfin, ces charges devraient pouvoir constituer des charges constatées d’avance si elles sont relatives à l’achat de services dont la prestation interviendra ultérieurement.
L'ESSENTIEL :
Le traitement des droits d’accès à un service SaaS et des coûts d’implémentation des logiciels sous contrats SaaS dans les comptes consolidés en normes IFRS a été précisé par les décisions de l’IFRS IC de mars 2019 et 2021. Ces décisions sont applicables depuis la clôture semestrielle 2022. Selon l’IFRS IC, si le client contrôle un actif identifiable résultant de la configuration ou de la personnalisation, notamment à travers de nouvelles lignes de code, et que tous les autres critères de comptabilisation d’un actif créé en interne sont remplis, les coûts sont comptabilisés en immobilisation incorporelle selon IAS 38.
Les principes d’activation selon IAS 38 sont certes les mêmes en règles françaises. Toutefois, l’interprétation de ces principes par une décision de l’IFRS IC ne s'applique pas automatiquement dans les comptes établis en règles françaises.
Dans ce contexte, l’ANC a constitué un groupe de travail afin de revoir les dispositions figurant dans le PCG relatives aux logiciels et aux systèmes d’information en tenant compte, d’une part, des évolutions techniques intervenues et, d’autres part, des positions comptables internationales prises sur ces sujets.
Les conclusions du groupe sont attendues en début de l’année 2023 et devraient être d’application prospective.
Ainsi, en pratique, dans l’attente des conclusions du groupe de travail de l’ANC, il convient :
– de ne pas modifier le traitement des coûts comptabilisés antérieurement à 2022 ;
– de poursuivre la méthode appliquée jusqu’alors, dans le cas de nouveaux coûts d’implémentation liés à de contrats SaaS signés en 2022 ;
– de suivre les règles comptables applicables aux immobilisations incorporelles si les coûts d’implémentation des solutions SaaS sont comptabilisés pour la première fois en 2022.
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