Un propriétaire de locaux commerciaux consent à une société un bail dérogatoire pour une durée d’un an prenant effet le 1er juillet 2015. Le contrat prévoit son renouvellement tacite à l’issue de la première année, pour la même durée et dans la limite de trois ans. Le 28 juin 2017, le bailleur délivre au locataire un congé à effet du 30 juin 2017 puis il agit en vue d’obtenir la libération des lieux et le paiement d’une indemnité d’occupation.
Le locataire réplique en faisant valoir que, dans la mesure où il est resté dans les lieux au-delà du terme contractuel d’un an, il s'est opéré un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux. Le congé ne respectant pas les règles prévues par ce statut, il devait donc être annulé.
La Cour de cassation écarte l’argument : un congé, délivré antérieurement au terme du dernier des baux dérogatoires successifs, dont la durée cumulée ne dépasse pas la durée légale, et qui manifeste la volonté du bailleur de ne pas laisser le locataire se maintenir dans les lieux, le prive de tout titre d'occupation à l'échéance de ce bail. En l’espèce, le contrat de bail dérogatoire prévoyait sa tacite reconduction ; aucun délai de prévenance n’y était prévu ; le bailleur avait fait connaître avant le terme normal du bail sa volonté de ne pas poursuivre celui-ci. Le locataire ne pouvait donc pas se prévaloir d’un défaut de respect des dispositions applicables aux baux commerciaux.
A noter :
Les parties à un bail portant sur des locaux à usage commercial peuvent déroger au statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. Si, à l’expiration de cette durée, le locataire reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux (C. com. art. L 145-5, al. 1 et 2). Cette règle s’applique même si le bail ou les baux successifs ont été conclus pour une durée inférieure à la durée maximale de trois ans (notamment, Cass. 3e civ. 8-6-2017 n° 16-24.045 FS-PBI : RJDA 8-9/17 n° 534 ; Cass. 3e civ. 26-3-2020 n° 18-16.113 F-D : BRDA 12/20 inf. 18). Il n’y a donc pas de tacite prolongation du bail dans la limite de trois ans.
La décision commentée ne remet pas en cause cette solution : le renouvellement tacite du bail a été possible en l’espèce car spécifiquement prévu par les parties. Le bail dérogatoire avait donc pu être renouvelé sans se muer en bail commercial.
Le bail n’étant pas soumis au statut des baux commerciaux, le congé n'avait pas à être donné six mois à l’avance (C. com. art. L 145-9) et pouvait au contraire être délivré à n’importe quel moment avant la date d’expiration du bail.
Notons que la Cour de cassation vise, sans doute par erreur, l'article L 145-41 relatif à la clause résolutoire, alors que le locataire fondait plutôt sa demande sur les dispositions de l'article L 145-9 du Code de commerce relatif au congé. En toute hypothèse, cet élément n'a pas d'incidence, les deux textes étant inapplicables ici.
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