Une société de droit italien fabrique et vend à une entreprise en charge de la construction d’un bâtiment agricole, des plaques ondulées qui s’avèrent défectueuses. Le maître de l’ouvrage conclut un protocole transactionnel avec l’assureur de l’entreprise, qui lui verse une indemnité en réparation de son préjudice. L’assureur exerce un recours contre le fabricant devant le tribunal judiciaire du Havre pour obtenir le remboursement des sommes qu’il a versées.
Le fabricant, société de droit italien, conteste la compétence de cette juridiction.
Mais la Cour de cassation, relevant que l’assureur agissait comme subrogé du maître de l’ouvrage, retient que cette action est de nature délictuelle et relève donc, en application de l’article 7 du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, de la compétence de la juridiction du lieu du dommage. Le dommage s’étant produit dans le ressort du tribunal judiciaire du Havre, cette juridiction était compétente.
A noter :
On peut s’étonner que cet arrêt ne soit pas publié. Outre qu’il évoque la responsabilité délictuelle, certes applicable à l’époque des faits, mais sans faire état du remplacement de l’article 1382 par l’article 1240 du Code civil et de l’existence, désormais, d’une responsabilité extracontractuelle, il sème le doute sur l’évolution de la jurisprudence. Il décide, en effet, que l’assureur du constructeur subrogé au maître de l’ouvrage dispose d’une action délictuelle contre le fabricant de matériaux. Or il a été jugé à plusieurs reprises que l’action du maître de l’ouvrage contre le fabricant fournisseur de l’entrepreneur est une action contractuelle qui lui est transmise par ce dernier, malgré l’interruption dans la chaine des ventes (Cass. ass. plén. 7-2-1986 n° 83-14.631 et 84-15.189 : Bull. ass. plén. n° 2 ; Cass. 3e civ. 12-12-2001 n° 00-14.671 : RDI 2002 p. 92). Le subrogé est donc dans la même situation que le maître de l’ouvrage. Cette jurisprudence a suscité une résistance de la troisième chambre pendant un temps et alimenté la controverse sur la distinction entre responsabilité pour non-conformité de la chose et responsabilité pour vice de la chose, dualité que l’avant-projet de réforme des contrats spéciaux condamne. L’arrêt commenté ne précise pas l’objet de l’action en responsabilité. Il se borne à rejeter le moyen qui invoquait la responsabilité contractuelle, pour justifier la compétence juridictionnelle du tribunal français, celui-ci étant compétent en matière extracontractuelle comme étant celui du siège du dommage, ce qui est conforme au droit français et à l’article 7 du Règlement UE n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012… L’action contractuelle du maître de l’ouvrage contre le fabricant-fournisseur est-elle pour autant condamnée ? À suivre.