Les propriétaires indivis de parcelles agricoles décident de les vendre à un tiers 80 000 €. L'un des indivisaires étant en liquidation judiciaire, la cession de ses droits indivis est autorisée par ordonnance du juge-commissaire. Informée de cette cession par le notaire, une Safer exerce son droit de préemption avec révision du prix à 46 000 €.
Le liquidateur judiciaire n'est pas autorisé à régulariser la cession à ce prix.
En effet, l'exercice de la préemption ne peut pas avoir pour effet de modifier les conditions de la vente amiable autorisée par le juge-commissaire dans une procédure de liquidation judiciaire, peu important qu’elle porte sur des droits indivis du débiteur, dès lors que le juge saisi s'est nécessairement prononcé sur le juste prix au regard de dispositions d'ordre public visant au désintéressement des créanciers. En l'espèce, les conditions de la cession, devenue parfaite, avaient été déterminées par une ordonnance ayant acquis force de chose jugée et s’imposaient à la Safer, sans que l’imprécision de la déclaration que lui avait adressée le notaire (sans mention de la liquidation judiciaire et du prix fixé par le juge-commissaire), tenu d’instrumenter conformément à cette décision, ait une quelconque incidence.
A noter :
1. Lorsque le propriétaire de biens soumis au droit de préemption de la Safer fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ce droit n’est pas applicable si ces biens sont inclus dans un plan de cession (C. com. art. L 626-1, L 631-22 et L 642-5, al. 4 ; C. rur. art. L 143-4, 7°). Mais il l’est si les biens sont vendus en dehors d’un tel plan, notamment lorsque le juge-commissaire autorise leur cession de gré à gré dans le cadre d’une liquidation judiciaire (Cass. com. 15-10-2002 n° 98-21.669 FS-PB : RJDA 2/03 n° 170).
La Safer qui fait usage de son droit de préemption peut, si elle estime le prix de cession exagéré (par exemple, au regard des prix pratiqués dans la région), adresser une offre d'achat établie à ses propres conditions ; le vendeur doit alors, dans les six mois, accepter cette offre ou retirer le bien de la vente ou demander au juge la révision du prix proposé par la Safer ; à défaut, l’offre est réputée acceptée (C. rur. art. L 143-10). Or, en cas de liquidation judiciaire, le juge-commissaire qui autorise la vente de gré à gré d’un bien en fixe le prix et les conditions (C. com. art. L 642-18, al. 3 pour les immeubles ; art. L 642-19 pour les autres biens).
La Cour de cassation avait déjà précisé que l'exercice du droit de préemption par la Safer ne peut pas avoir pour effet de modifier les conditions de la vente autorisée par le juge-commissaire, notamment le prix fixé par ce dernier (Cass. 3e civ. 19-9-2012 n° 10-21.858 FS-PBRI : RJDA 8-9/13 n° 742). Par ailleurs, la vente ainsi autorisée devient parfaite dès que l’ordonnance du juge-commissaire acquiert autorité de chose jugée (notamment, Cass. com. 4-10-2005 n° 1202 FS-PBIR : RJDA 6/06 n° 680 ; Cass. com. 2-6-2015 n° 14-12.230 F-PB : RJDA 10/15 n° 704). Tel étant le cas en l’espèce, les modalités de la vente fixées par ce juge s’imposaient au liquidateur et à la Safer.
2. La solution est, à notre avis, transposable aux droits de préemption en matière d'urbanisme (droit de préemption urbain et droit de préemption dans les zones d'aménagement différé) qui, eux aussi, s'appliquent en cas de vente, en dehors d’un plan de cession, des immeubles d'une entreprise en liquidation judiciaire (CE 17-12-2008 n° 316411 : RJDA 5/09 n° 417, 2e espèce).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 63100