Un syndicat des copropriétaires, se plaignant de désordres imputables à la construction de l’immeuble, assigne l’assureur du constructeur en réparation de son préjudice. Ce dernier sollicite, par conclusions d’incident signifiées antérieurement au 29 juin 2019, l’annulation de l’assignation pour défaut d’habilitation du syndic à agir en justice.
La cour d’appel annule l’assignation.
Le pourvoi est rejeté : les nouvelles dispositions de l’article 55 du décret 67-223 du 17 mars 1967, aux termes duquel seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice, instaurées par le décret du 27 juin 2019, ne régissent que les exceptions de nullité tirées du défaut d’autorisation donnée au syndic pour agir en justice présentées à compter du 29 juin 2019.
À noter : La Cour de cassation, par cet arrêt et deux autres rendus le même jour (Cass. 3e civ. 25-3-2021 n° 20-12.244 FS-D ; Cass. 3e civ. 25-3-2021 n° 20-12.245 FS-D) statue sur la question, nouvelle, des modalités d’application dans le temps de l’importante modification apportée à l’article 55 du décret 67-223 du 17 mars 1967 par le décret 2019-650 du 27 juin 2019 : seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic d’agir en justice.
Le syndic, représentant légal de la copropriété, ne peut agir en justice au nom du syndicat que si une habilitation lui est donnée en ce sens par l’assemblée générale (Décret 67-223 du 17-3-1967 art. 55). Cette disposition, qui a pour but de protéger le syndicat des copropriétaires contre des initiatives du syndic qu’il n’aurait pas approuvées, est d’ordre public (Cass. 3e civ. 14-5-1974 n° 73-10.204 : Bull. civ. III n° 190). Le défaut d’autorisation du syndic constitue une irrégularité de fond, régie par les articles 117 à 121 du Code de procédure civile, qui pouvait être invoquée par tout défendeur à l’action (Cass. 3e civ. 12-10-1988 n° 86-19.403 : Bull. civ.III n° 140 ; Cass. 3e civ. 10-10-1990 n° 89-13.854 : Bull. civ.III n° 182 ; Cass. ass. plén. 15-5-1992 n° 89-18.021 : Bull. civ. III n° 5). Il en résultait que, alors que cette règle était destinée à protéger le syndicat des copropriétaires contre les initiatives du syndic, elle était devenue un moyen bénéficiant aux tiers assignés par le syndicat, qui pouvaient l’invoquer à leur profit.
Ce dispositif a donc été réformé par le décret 2019-650 du 27 juin 2019 qui a inséré, dans l’article 55 précité, un alinéa disposant que seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice. Les tiers à la copropriété ne peuvent donc plus, désormais, s’en prévaloir.
Aucune disposition transitoire n’ayant été prévue, cette réforme est entrée en vigueur le 29 juin 2019. S’agissant d’une règle de procédure, relative à la qualité à agir, elle est immédiatement applicable aux instance en cours, de sorte que cette disposition régit immédiatement les actes postérieurs à son entrée en vigueur. Toutefois, l’application immédiate ne peut avoir pour conséquence de priver de leurs effets les actes régulièrement accomplis sous l’empire du texte ancien, sauf à en faire une application rétroactive. Il en résulte que les dispositions nouvelles ne sont pas applicables lorsque l’irrégularité tenant au défaut de pouvoir du syndic a été invoquée avant l’entrée en vigueur du décret, donc avant le 29 juin 2019. C’était le cas dans l’affaire commentée ici, puisque les conclusions de l’assureur soulevant cette exception de nullité avaient été déposées avant cette date. L’assureur du constructeur avait donc encore, lorsqu’il l’a fait, la possibilité de se prévaloir de ce défaut de pouvoir, et la cour d’appel a donc à bon droit accueilli l’exception de nullité qu’il soulevait.
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Gestion immobilière n° 40095