Il résulte de l'article R 441-11 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009, que, si l’employeur émet des réserves sur le caractère professionnel d’un accident, la caisse est tenue de lui adresser, ainsi qu’à la victime, un questionnaire ou de procéder à une enquête auprès des intéressés (des dispositions similaires sont prévues à l’article R 441-7 du même Code, dans sa rédaction issue du décret 2019-356 du 23 avril 2019 actuellement en vigueur). A l'issue de l'instruction, la caisse doit ensuite, préalablement à sa décision, assurer l’information de l’employeur, à peine d’inopposabilité de la décision prise en charge.
Les réserves de l’employeur : quelle définition ?
Selon une jurisprudence constante, encore confirmée par l’arrêt du 17 mars 2022, constituent des réserves motivées de la part de l'employeur, au sens des dispositions précitées, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail (Cass. 2e civ. 23-1-2014 n° 12-35.003 F-PB ; Cass. 2e civ. 17-12-2015 n° 14-28.312 F-PB).
Il en est ainsi, par exemple, lorsque la réserve porte sur l'absence de témoin de la survenance de l'accident aux lieu et temps de travail (notamment : Cass. 2e civ. 23-1-2014 n° 12-35.003 F-PB précité ; Cass. 2e civ. 8-11-2018 n° 17-22.527 F-D ; Cass. 2e civ. 4-4-2019 n° 18-11.778 F-D).
En revanche, il a été jugé que ne constituent pas des réserves au sens du texte précité :
le seul fait pour l’employeur d’imputer la cause de l’accident à la faute de la victime (Cass. 2e civ. 11-6-2009 n° 08-11.029 F-D) ;
la formulation « réserves » (Cass. 2e civ. 17-2-2011 n° 10.15.276 F-PB), « réserves conservatoires » (Cass. 2e civ. 10-10-2013 n° 12-25.782 F-PB) ou « réserves sur le caractère professionnel de l’accident » sans autre indication (Cass. 2e civ. 1-12-2011 n° 10-26.590 F-D) ;
l’allégation faite par l’employeur de la responsabilité d’un tiers (Cass. 2e civ. 18-2-2010 n° 09-10.819 F-D).
L’étant pathologique antérieur de la victime constitue une cause totalement étrangère au travail
En l’espèce, dans la déclaration d'accident du travail, l’employeur faisait valoir que le salarié, victime à son service d’une luxation du genou, avait déjà été victime auparavant, dans une autre société, d’un accident du travail qui lui aurait occasionné une entorse du même genou, et qu'il pouvait s’agir d’une récidive due à cette fragilité « car son genou s’est déboîté sans raison apparente ». L’accident ayant néanmoins été pris en charge au titre de la législation professionnelle sans avoir recueilli d’observations de la part de l’employeur, ce dernier demandait au juge que cette décision lui soit déclarée inopposable. Son recours est rejeté par la cour d’appel dont la décision est cassée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 17 mars 2022.
Confirmant sa jurisprudence (notamment : Cass. 2e civ. 18-9-2014 n° 13-17.371 FS-D ; Cass. 2e civ. 12-2-2015 n° 13-28.260 F-D ; Cass. 2e civ. 11-10-2018 n° 17-26.990 F-D), la Haute Cour décide que les réserves relatives à l’existence d’un état pathologique antérieur sont assimilables à des réserves motivées en tant que portant sur l’existence potentielle d’une cause totalement étrangère au travail.
Elle rappelle également qu’au stade de la formulation de réserves, l’employeur n’est pas tenu de rapporter la preuve de leur bien-fondé (en ce sens également : Cass. 2e civ. 26-11-2020 n° 19-20.058 F-PBI). En effet, pour la Cour de cassation, à ce stade, il ne s'agit pas pour les juges du fond de rechercher si l'accident pris en charge revêt ou non le caractère d'un accident du travail, mais d'apprécier si les réserves de l'employeur revêtaient ou non le caractère de réserves motivées, ouvrant droit au bénéfice d'une instruction préalable à la prise en charge par la caisse.
Dès lors, la deuxième chambre civile décide que la cour d'appel, en statuant comme elle l’a fait, « alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur, qui, au stade de la recevabilité des réserves, n'était pas tenu d'apporter la preuve de leur bien-fondé, avait formulé, en temps utile, des réserves sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans avoir recueilli les observations de l'employeur, elle a violé le texte susvisé. »
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