Lorsqu’un bien immobilier donné en location nue fait l’objet d’un démembrement de propriété, les loyers sont imposables, dans la catégorie des revenus fonciers, au nom du seul usufruitier, qui peut déduire de ces revenus les charges foncières effectivement supportées sur l’immeuble démembré. Bien qu’il n’ait pas de revenus à déclarer au titre de l’immeuble démembré, le nu-propriétaire est, de son côté, autorisé à déduire des revenus fonciers provenant de ses autres propriétés les dépenses qu’il a, le cas échéant, lui-même supportées sur l’immeuble démembré (en ce sens, par exemple, CE 21-2-1979 no 4896 : RJF 4/79 no 226). Il peut de même déduire les intérêts des emprunts qu’il a contractés pour financer l’acquisition de la nue-propriété des immeubles loués ou les dépenses de réparation, d’entretien ou d’amélioration de ces immeubles (BOI-RFPI-BASE-20-80 no 170). Ces solutions sont logiques : dès lors que le bien est productif de revenus fonciers, les charges de nature foncière exposées sur le bien doivent être admises en déduction ; le droit de propriété du bien étant démembré, ces charges sont déductibles par celui, usufruitier ou nu-propriétaire, qui les a effectivement payées.
Lorsque le démembrement porte, non pas sur l’immeuble loué, mais sur les parts de la société détenant l’immeuble, le revenu net foncier constaté par la société, déterminé par différence entre les loyers perçus et les charges de nature foncière exposées, est en principe imposable au nom de l’usufruitier des parts. Celui-ci peut par ailleurs déduire du bénéfice foncier imposable en son nom les intérêts des emprunts ayant financé l’acquisition de l’usufruit des parts (BOI-RFPI-BASE-20-80 no 150). En revanche, pour l’administration, les intérêts des emprunts contractés personnellement par le nu-propriétaire des parts, pour financer l’acquisition de la nue-propriété de ces parts, ne sont pas déductibles « dès lors que ces dépenses ne peuvent être considérées comme engagées en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un revenu ou de la propriété de l’immeuble donné en location » (BOI-RFPI-BASE-20-80 no 160).
Saisi d’une demande d’annulation de ces dernières dispositions pour excès de pouvoir, le Conseil d’Etat confirme la doctrine administrative. Il relève que seul l’usufruitier des parts étant soumis à l’impôt sur le revenu à raison de la quote-part correspondante des revenus fonciers perçus par la société, le nu-propriétaire ne peut être regardé comme disposant d’un revenu à ce titre. Par suite, les intérêts des emprunts contractés personnellement par le nu-propriétaire pour financer l'acquisition de la nue-propriété des parts ne peuvent être regardés comme une charge exposée en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un revenu foncier. Dès lors, ces intérêts ne sont pas déductibles des revenus fonciers que l'intéressé percevrait à raison d'autres biens ou droits immobiliers.
A noter : le Conseil d’Etat retient une position particulièrement rigoureuse. On comprend mal pourquoi les règles seraient différentes selon que le démembrement porte directement sur le bien loué ou sur les parts de la société détenant ce bien. L’essentiel, au regard du droit fiscal, est que le bien soit générateur de revenus fonciers imposables. Dans l’un et l’autre cas, ces revenus fonciers sont imposables au nom du seul usufruitier (usufruitier de l’immeuble ou usufruitier des parts). On ne voit pas quelle raison justifierait que le droit du nu-propriétaire à déduire les charges de nature foncière qu’il a lui-même exposées, reconnu en cas de détention directe du bien, soit remis en cause en cas d’interposition d’une société civile translucide (d’autant plus que l’usufruit étant par nature temporaire, la pleine propriété des parts a vocation à se reconstituer entre les mains du nu-propriétaire qui sera bien alors imposable sur les revenus du bien..).
Sophie DIDIER
Pour en savoir plus sur les incidences du démembrement de propriété au regard de l'impôt sur le revenu : voir Mémento Patrimoine n° 3510 s.