Une SCI achète un logement qui est pris à bail sous le régime de la loi du 1er septembre 1948. Elle assigne, après le décès des locataires en titre, les occupants (héritiers des précédents locataires) en expulsion. La SCI soutient, notamment, que l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de récupérer cet appartement et de percevoir un loyer tenant compte de l’augmentation du prix de l’immobilier à Paris constitue une atteinte à son droit de propriété garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
La cour d’appel rejette la demande au motif que la loi du 1er septembre 1948 ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de propriété en raison du but légitime poursuivi par le législateur.
Il lui est reproché de n’avoir pas exercé le contrôle de proportionnalité « in concreto ».
Le pourvoi est rejeté : la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante dès lors que l’acquéreur avait acquis l’appartement en cours de bail et, par conséquent, en toute connaissance des restrictions imposées par la loi du 1er septembre 1948 quant au montant du loyer et à la faculté de reprise des lieux par le bailleur.
À noter : Précision nouvelle. Cet arrêt est intéressant à deux égards. D’une part en ce qui concerne la technique du contrôle de conventionnalité en tant que telle et, d’autre part, en ce qui concerne les moyens d’inconventionnalité susceptibles d’être invoqués par les acquéreurs de logements donnés à bail sous le régime de la loi du 1er septembre 1948.
Sur le premier aspect, il convient de rappeler qu’il faut distinguer le contrôle de conventionnalité de la norme elle-même, et le contrôle de conventionnalité de son application au cas d’espèce considéré. Lorsqu’il est soutenu que la mise en œuvre d’une norme nationale porte atteinte à un droit conventionnellement garanti, la juridiction saisie de ce moyen doit vérifier si, concrètement, cette mise en œuvre de la norme porte une atteinte disproportionnée à un droit garanti, et, si tel est le cas, en écarter l’application, sans pouvoir se borner à répondre que la norme elle-même n’est pas contraire à ce droit (Cass. 3e civ. 10-10-2019 n° 17-28.862 FS-PBI : RJDA 2/20 n° 124). C’est ce qu’il est reproché ici à la cour d’appel d’avoir fait, en répondant que la loi du 1er septembre 1948 poursuivait un but légitime, sans s’interroger sur son application au cas d’espèce.
Le grief aurait donc été fondé si la Cour de cassation n’avait pas considéré qu’il était inopérant : elle retient en effet que les restrictions imposées au bailleur par la loi du 1er septembre 1948 ne sont pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, puisqu’il a acquis cet appartement en cours de bail et en toute connaissance des restrictions imposées par cette loi quant au montant du loyer et à la faculté de reprise des lieux. Cette connaissance du régime juridique applicable, qu’il a donc accepté en achetant ce bien, ne lui permet pas ensuite de se prévaloir de l’atteinte qu’il pourrait causer à son droit de propriété.
Signalons enfin que le second moyen de cassation visait la reconnaissance de la qualité d’héritier à la fille du défunt devenue, à ce titre, titulaire du droit au bail. La production d’une copie du livret de famille de ses parents est jugée suffisante par la cour d’appel pour en établir la preuve, ce que confirme la Haute Juridiction. C'est l'occasion de rappeler que la preuve de la qualité d’héritier s’établit par tous moyens (C. civ. art. 730, al. 1) et que la renonciation à la succession ne se présume pas (C. civ. art. 804, al. 1).
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