Une personne physique conclut, tant pour son compte personnel que pour celui de tout tiers de son choix, un protocole avec une société (A) prévoyant qu'elle deviendrait associée de la société en réalisant un apport en numéraire. Une autre société (B) est constituée, puis effectue des virements sur le compte de la société A en application de ce protocole. Elle est ensuite immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Par décision de ses associés, elle reprend tous les actes et engagements souscrits en son nom avant cette immatriculation. À la suite d’un différend avec la société A, elle agit en justice afin que soit constatée la reprise du protocole conclu avec cette société.
La Cour de cassation rejette sa demande. Le signataire du protocole litigieux ayant agi pour son compte ou celui d'un tiers qu'il se réservait la faculté de substituer, il en résultait de façon claire et dépourvue d'ambiguïté ou d'équivoque que la commune intention des parties était que cet acte ne fût pas conclu au nom ou pour le compte d'une quelconque société en formation dépourvue à cette date de personnalité juridique. Le protocole était donc insusceptible de reprise par la société B.
A noter :
Pour permettre la mise en route de l'activité de la société, ses fondateurs peuvent souscrire des actes pour son compte ; une fois que la société a acquis la personnalité morale par son immatriculation, elle peut reprendre ces actes, qui sont alors réputés avoir été conclus par elle dès l'origine. Depuis un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation n'exige plus que ces actes mentionnent expressément qu'ils sont conclus au nom ou pour le compte de la société en formation : il appartient désormais au juge, en l'absence d'une telle mention, de constater après un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, la commune intention des parties de le conclure pour le compte de cette société (Cass. com. 29-11-2023 n° 22-12.865 FS-BR, 22-18.295 FS-BR et 22-21.623 FS-BR : RJDA 2/24 n° 97 et avis M. Lecaroz p. 7).
Pour rejeter la demande tendant à voir constatée la reprise du protocole, la cour d'appel de Montpellier s’était fondée sur le fait que les parties avaient souhaité que le protocole ne fût pas conclu pour le compte d'une société en formation. Tout doute sur la volonté d’une potentielle reprise étant ainsi balayé, il n’était pas nécessaire de procéder à un examen de l’ensemble des circonstances à la recherche d’une volonté contraire des parties par hypothèse exclue.
Cette décision, confirmée par la Cour de cassation, pose par ailleurs le principe qu’une clause de substitution en faveur de « tout tiers » ne permet pas de caractériser l’intention des parties de conclure l’acte pour le compte d’une société en formation.
Parallèlement au mécanisme de la reprise, la Cour de cassation a admis la possibilité de prévoir une clause de substitution dans l'acte, permettant à la société de se substituer au fondateur une fois immatriculée, sans qu'il faille suivre l'une des procédures de reprise (Cass. com. 15-1-2020 n° 17-28.127 F-D : RJDA 4/20 n° 212). L'arrêt commenté ne semble pas fermer cette possibilité de recours au droit commun des contrats, y compris si la clause est au bénéfice d’un tiers non désigné.
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